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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/334

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THOMAS D’AQUIN : THÉOLOGIE ET A R ISTOTÉLÎSME


1273, dans les Collationes in Hexameron, vis. i, coll. i, report. Delorme, Quaracchi, 1934, p. 59. Selon un procédé qui lui est familier (cf. CoM. i, 9, Opéra omnia, t. v, p. 330, cité par Gilson, La philosophie de saint Bonaventure, Paris, 1924, p. 36), Bonaventure réunit dans une réprobation commune les maîtres séculiers, adversaires de la vie religieuse et les « artistes », disciples du Stagirite. C’est d’ailleurs plutôt aux amis de Guillaume de Saint-Amour qu’à ceux de Siger que Bonaventure s’adresse lorsqu’il affirme que la dernière heure de l’Église n’est point encore arrivée et que « la religion est fille chérie de l’Église », religio Ecclesise fïlia specialis. Delorme, p. 59. Quant à l’intervention du Saint-Siège à laquelle il fait ici allusion (nisi Dominas « spirilu oris sui » per sedem romanam aliquos percussissel imponendo silentium), le contexte invite à y voir une allusion à la condamnation de Guillaume de Saint-Amour en 1256 plutôt qu’à un document pontifical inconnu, dirigé contre les artistes, comme le veut E. Longpré, Dict. hist. et géogr. eccl., art. Bonaventure, t. ix, col. 777.

La crise averroïste fut, selon le P. Mandonnet, le motif essentiel du retour de saint Thomas à Paris, en 1269 ; cf. P. Mandonnet, dans S. Thomas lecteur de la Curie romaine, dans Xenia thomistica, Rome, 1925, t. iii, p. 31-38. Et. Gilson pense au contraire que l’intervention de saint Thomas contre Siger fut « précédée par la violente discussion qui mit aux prises l’augustinien Jean Pecham, le maître franciscain le plus illustre de l’Université de Paris, et Thomas d’Aquin ». La philosophie de saint Bonaventure, p. 29. De la sorte, si le Docteur angélique prend à partie le philosophe brabançon, c’est afin de dégager sa propre position, sérieusement compromise. « Il est en effet certain que, possédant en commun avec les averroïstes les principes philosophiques de l’aristotélisme, saint Thomas devait éprouver vivement la nécessité de s’en distinguer ». Gilson, op. cit., p. 32. Du même coup, la raison déterminante du retour de saint Thomas à Paris ne peut plus être la lutte contre les idées nouvelles, mais bien plutôt la défense de son propre système.

Les ouvrages qui s’y rapportent.

1. Le « De

unitale intellectus ». — Il est exact que la composition de De unitate intellectus est postérieure à la dispute contre Pecham. Le P. Mandonnet plaçait cette dernière à Pâques 1270. Siger…, t. i, p. 99. Cette date est acceptée par le P. Callebaut, Jeazi Pecham et l’augustinisme, dans Arch. franc, histor., t. xviii, 1925, p. 447. Il semble par ailleurs que le De unitate est antérieur aux condamnations du 10 décembre ; cf. F. van Steenberghen, Les œuvres et la doctrine de Siger de Brabant, dans Mémoires de l’Académie royale de Belgique, classe des Lettres, t. xxxix, fasc. 3, 1938, p. 57-59. Un troisième point concernant le De unitale, c’est que, loin d’être une réponse au De anima intellecliva de Siger, il le précède au contraire dans le temps. L’opinion du P. Chossat, défendue par M. van Steenberghen, op. cit., p. 65-73, est également admise par le P. Salman, Bull, thomiste, t. v, 1939, p. 655. On peut penser qu’elle ralliera désormais l’unanimité des critiques. DansleDe unitate, saint Thomas viserait donc, non pas un écrit déterminé de Siger, mais un ensemble de doctrines enseignées oralement, de façon plus ou moins affichée, à la faculté des arts. Si la finale s’en prend personnellement à Siger, elle peut cependant concerner, soit un écrit, soit un enseignement oral. Peut-être s’agit-il d’une réportation. Cfi vaa Steenberghen, op. cit., p. 77.

2. Prise de position dans le De anima ». L’unité de l’âme et la doctrine authentique d’Averroés. — Mais avant le De unitate et avant sa dispute contre l Vcham, saint Thomas était déjà entré en lie* avec les questions De anima, qu’il dispute, selon toute vraiscm

blance, dans les premiers mois de 1269. Les textes de la question De anima, comme d’ailleurs ceux du De spiritualibus creaturis, qui leur sont étroitement apparentés (et même postérieurs d’après Keeler), s’en prennent avec quelque vivacité à la doctrine de l’unité de l’âme ; cf. De anima, a. 2, 3 ; De spir. créât., a. 3. Il est à remarquer que cette thèse fameuse ne correspond que de loin à l’averroïsme historique. Au lieu de deux substances séparées, intellect agent et intellect possible, dont l’union était conçue de façon purement dynamique, la thèse d’Averroés est devenue celle d’une âme humaine, unique et séparée, âme dont l’intellect agent et l’intellect possible seraient les puissances. Cf. sur cette transformation capitale, D. Salman, Note sur l’influence d’Averroés, dans Rev. néoscolastique, t. xl, 1937, p. 204 ; Bull, thomiste, t. v, 1939, p. 658-660. On s’explique du même coup la position si nette de la question par saint Thomas : Utrum anima humana sit separata secundum esse ? De anima, a. 2. Pour un exposé d’ensemble de la psychologie de Siger de Brabant, cf. van Steenberghen, op. cit., p. 146-158. Parti, dans ses Quæstiones super III"’" de anima, d’un monopsychisme radical, Siger aboutirait dans ses Quæstiones de anima (1274-1277), non au thomisme, mais « à un rapprochement vis-à-vis des positions de saint Thomas en psychologie ». Van Steenberghen, op. cit., p. 37. Il semble d’ailleurs qu’il faille être moins généreux pour Siger en ce qui concerne l’éternité du mouvement et la thèse (néo-platonicienne cette fois) de l’unité nécessaire de l’effet de l’action divine : ab uno non procedil nisi unum ; cf. van Steenberghen, op. cit., p. 163-165. M. Delhaye découvre de même chez Siger deux erreurs essentielles en ce qui concerne la création : il a peine à en concevoir la liberté, il se refuse à reconnaître que cet acte atteigne immédiatement tous ses effets. Siger de Brabant, Questions sur la Physique, dans Philosophes belges, t. xv, Introd., p. 17. M. van Steenberghen reconnaît également que « la contingence véritable ne semble pas trouver place dans le système de Siger ». Op. cit., p. 123. Sur la position de Siger à l’égard de la foi et de la théologie, cf. van Steenberghen, op. cit., p. 171-180 et D. Salman, Bull, thomiste, t. v, 1939, p. 663-671. Mais en définitive, le système de Siger est un aristotélismc radical ou hétérodoxe, teinté parfois de néoplatonisme, beaucoup plus qu’un averroïsme proprement dit. Van Steenberghen, op. cit., p. 170.

II. SAINT THOMAS HT L’ÉCOLE AU OUSTlJf : E.V.VL. LA LOTTE POUR L’ARISTOTÉLISME MODÉRÉ. — Le

conflit de saint Thomas et de Siger de Brabant n’était qu’un épisode en comparaison d’une lutte plus profonde et plus durable. Cette lutte, dont Tocco ne nous a pas soufflé mot, Godefroid de Fontaines, dans son premier Quodlibet, en 1285, la décrit en ces termes bien connus : aliqui doctrinam non modicum fructuosam cujusdam Doctoris famosi, cujus memoria cum laudibus esse débet, ut in pluribus impugnantes, vel deinde contra dicta sua procedentes ad diffamationem personæ pariter et doctrine : opprobria magis quam rationes inducere consueverunl. Godefroid de Fontaines, Quodl. i, q. iv, éd. De Wulf-Pelzer, p. 7.

C’est au cours du second séjour de saint Thomas a Paris que le conflit éclate avec violence. Il se conerc1 1 M en quelque sorte dans la fameuse dispute de Thomas avec Jean Pecham, seul épisode dont l’histoire nous ait conservé le souvenir grâce au témoignage de l’echam lui-même et aux déclarations de Barthélémy de Capoue. Cf. sur ce point A. Callebaut, Jean Pecham et l’augustinisme, dans Archiv. franc, hist., t. xviii,

1925* p. 111-172. et la réponse « lu r. Mandonnet, Huit, thomiste, l’.ciii, p. L04. Quelle qu’ait pu « lie l’attitude plus ou moins conciliante île l’echam et le s<us qu’il faille attacher aux OBtpullOtit verbis dont parle Bar-