du dogme comme absolument opposée à la philosophie moderne, la seule, affirmait-on, qui compte désormais. — a) On assignait quatre motifs principaux à cette répulsion des intelligences modernes. — a. La philosophie moderne interdit strictement toute adhésion intellectuelle à une proposition qui se donne ellemême comme n'étant ni prouvée ni prouvable, ce qui est le cas de tout dogme appuyé uniquement sur une autorité tout extérieure. Edouard Le Roy, Dogme et critique, Paris, 1907, p. 6 sq. — b) Le dogme n’est pas même susceptible d’une démonstration indirecte. Car il faudrait avoir prouvé directement que Dieu existe, qu’il a parlé et qu’il a donné tel enseignement certainement et authentiquement possédé. En d’autres termes, il faudrait avoir résolu par une analyse directe le problème de Dieu, celui de la révélation, celui de l’inspiration biblique, celui de l’autorité de l'Église. Or ce sont là des questions de même genre que les questions purement dogmatiques, des questions à propos desquelles il est bien impossible de produire des raisonnements démonstratifs, p. 8 sq. — c. Le dogme est, pour beaucoup d’intelligences modernes, inintelligible et impensable, parce que ses énoncés, le plus souvent formulés en un langage philosophique inacceptable, ne leur disent rien ou plutôt leur paraissent indissolublement liés à un état d’esprit qu’ils n’ont plus et auquel ils estiment ne plus pouvoir revenir sans déchoir, p. Il sq. — d) Les dogmes, soit par leur contenu, soit par leur nature logique, n’appartiennent pas au même plan de connaissance que les autres propositions. Ils ne sauraient donc se composer avec celles-ci de manière à constituer un système cohérent, comme l’exige l’unité de l’esprit humain. Ils semblent ainsi sans usage, inutiles et inféconds. Reproche bien grave à une époque où l’on aperçoit de plus en plus nettement que la valeur d’une vérité se mesure avant tout aux services qu’elle rend, aux résultats nouveaux qu’elle suggère, aux conséquences dont elle est grosse, bref à l’inlluence vivifiante qu’elle exerce sur le corps entier du savoir, p. 12.
b) Toutes ces difficultés, ajoutait-on, ne sont cependant point inhérentes au dogme lui-même ; elles proviennent uniquement d’une conception qui lui est injustement surajoutée, la conception intellectualiste qui fait du dogme quelque chose comme l'énoncé d’un théorème, énoncé intangible d’un théorème indémontrable, mais énoncé ayant néanmoins un caractère spéculatif et théorique et se rapportant avant tout à la connaissance pure. Conception d’autant plus inadmissible qu’on veut à la fois définir le dogme comme jouant le rôle d’un énoncé théorique et lui attribuer cependant des caractères inverses de ceux qui font les énoncés corrects. Conception qui d’ailleurs pousse à deux exagérations très regrettables et malheureusement très fréquentes : l’une consistant à confondre les dogmes proprement dits avec certaines opinions ou certains systèmes théologiques, c’est-à-dire avec des représentations intellectuelles accessoires, l’autre consistant à ne point voir qu’un dogme ne saurait jamais posséder aucune signification scientifique et qu’il n’y a pas plus de dogmes concernant, par exemple, l'évolution biologique qu’il n’y en a concernant le mouvement des planètes ou la compressibilité des gaz. Le Roy, op. cit., p. 15 sq.
c) Toute conception intellectualiste étant ainsi écartée, le dogme ne peut avoir qu’un sens principalement négatif et une valeur exclusivement pratique. — a. Le dogme a un sens principalement négatif, en ce qu’il exclut et condamne certaines erreurs plutôt qu’il ne détermine positivement la vérité. Il ne tend pas à constituer par soi-même une théorie rationnelle, un système intelligible d’affirmations positives, mais il se borne à opposer des fins de non-recevoir à certaines
hypothèses et conjectures de l’esprit humain ; loin de limiter la connaissance ou d’en arrêter le progrès, il ne fait en somme que fermer de mauvaises voies, p. 19 sq. — 6. Le dogme a surtout une valeur exclusivement pratique, en ce sens qu’il énonce avant tout une prescription d’ordre pratique, p. 25 sq., 32 sq. Sans doute il contient, sous une forme ou sous une autre, une réalité suffisante pour justifier comme raisonnable et salutaire la conduite prescrite, p. 25, 33, 47. Mais ce que le dogme nous impose, c’est essentiellement et tout d’abord une attitude et une conduite ; la réalité sous-jacente est manifestée par lui sous les espèces de l’action qu’elle commande en nous ; le langage qu’il parle est un langage de connaissance pratique traduisant la vérité par la réaction vitale qu’elle provoque dans l'âme humaine. Une fois que le fait a été notifié, il peut et doit devenir matière de représentations abstraites et de théories spéculatives. L’intelligence de l’homme s’en empare et travaille sur lui. Mais les résultats qu’elle atteint ne sont pas en euxmêmes dogmatiques et ce n’est pas sur eux que porte jamais l’obligation d’adhérer par un acte de foi. L'élaboration philosophique du dogme reste libre, sous la seule réserve de ne pas altérer sa signitication pragmatique et morale, sa valeur vitale et salutaire Si donc il y a une obligation intellectuelle dérivée de l’obligation dogmatique, c’est une obligation de caractère négatif, celle de rejeter certaines représentations et certaines théories incompatibles avec la ngle pratique édictée paV le dogme, p. 51.
Toutes ces affirmations modernistes ou semi-modernistes sur la notion du dogme, certainement dérivées des systèmes protestants précédemment cités, ont été positivement réprouvées par l’encyclique Pascendi de Pie X du 8 septembre 1907 et par le décret du SaintOffice, Lamentabili sane exitu, du 3 juillet 1907, que Pie X a fait sien par son Motu proprio Præslantia du 18 novembre 1907. Nous citerons particulièrement les propositions 20, 2)5 et 61, condamnées par ce décret : 20. lîcvelatio nihil aliud esse potuit quam acquisita ab homine suse ad Deuni relation ! s conscientia. — 26. Dogmala fidei retinenda sunt tantummodo juxta sensum practicum, id est tanquam norma preeceptiva agendi, non vero tanquam norma credendi. — Ci. Progressas scientiarum postulat ut reformentur conceptus doctrines christianse de Deo, de creatione, de revelatione, de persona Verbi incarna ti, de redemplione.
C’est contre ces divers systèmes protestants ou modernistes que nous devons prouver la valeur objective et positive du dogme.
; II. PREUVES DE CETTE VALEUR OBJECTIVE DU DOGME.
— Ces preuves se déduisent des concepts de la révélation et de la foi, tels qu’ils sont manifestés dans le Nouveau Testament et dans l’enseignement constant de la tradition chrétienne. Rien que l’exposé de ces deux concepts ne soit pas du ressort immédiat du présent article, nous devons en donner ici un aperc-u sommaire, autant que l’exige la thèse que nous avons à démontrer.
1° Enseignement du Nouveau Testament.
1. Dans VKvangile, c’est surtout la nature de la foi qui est indiquée. Elle est dépeinte comme une pleine et absolue adhésion à l’enseignement divin annoncé par JésusChrist lui-même ou prêché en son nom et avec son autorité par les apôtres. C’est ce qui résulte particuliè rement de ces paroles de Jésus-Christ : Euntes in mundum universum, prædicate evangelium omni créatures. Qui credideril et baptizatus fuerit, saints erit ; qui vero non crediderit, condemnabitur. Marc, xvi, 15 sq. Et si l’on compare ces paroles avec le passage parallèle de saint Matthieu, xxviii, 18 sq., il est encore plus évident que la foi chrétienne est l’assentiment à l’enseignement de Jésus-Christ lui-même, per-