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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/181

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DOGME


C’est en ce sens que l'évêque de Meaux explique particulièrement le texte de saint Augustin, De ciritate Dei, l. XVI, c. ii, n. 2, P. L., t. xli, col. 477, sur lequel Jurieu prétendait s’appuyer, texte où l'évêque d’Hippone ne parle point de vérités nouvellement découvertes, mais de vérités dans lesquelles on se confirme, auxquelles on se rend plus attentif pour les mettre dans un plus grand jour et les défendre avec plus de force ; ce qui suppose manifestement ces vérités déjà connues. Op. cit., c. xxvii, p. 230. En même temps Bossuet admet que les Pères qui ont parlé après les hérésies ariennes et pélagiennes ont parlé avec des expressions plus distinctes, plus justes et plus suivies. Défense de la tradition et des saints Pures, l. VI, c. n sq., p. 90 sq. L’immutabilité substantielle des dogmes n’empêche donc point un réel progrès dans leur énonciation. Quant au progrès dans les concepts dogmatiques eux-mêmes, Bossuet ne l’affirme nulle part d’une manière explicite, mais l’on peut, ce semble, le déduire d’un passage où il soutient qu’avant l’hérésie pélagienne la foi de l’Eglise sur le péché originel et sur la grâce était parfaite, à cause de la pratique universelle de baptiser les petits enfants pour la rémission des péchés et de la pratique constante de tous les fidèles de demander en leurs prières la grâce de Dieu comme un secours, non seulement pour bien faire, mais encore pour bien croire et bien prier. Premier avertissement sur les lettres de M. Jurieu, c. xxxiv, Œuvres, t. viii, p. 235. N’est-il pas évident que dans cette double pratique, si manifeste et si constante qu’elle fût, Bosquet ne pouvait voir qu’une affirmation implicite du dogme expressément défini à une époque postérieure '.'

Au XVIIIe siècle, les positions des tbéologiens catboliques restent à peu près les mêmes. Tandis que plusieurs comme Henno, Theologia dogmatica moralis et scholastica, Venise, 1717, t. i, p. 291, et Erassen, Scutus academicus, Borne, 1720, t. viii, p. 312 sq., se bornent à montrer le progrès de la révélation chrétienne sur les révélations"faites sous l’ancienne alliance, d’autres tbéologiens, particulièrement Billuart, Summa sancti Thomæ, Tract, de jide, diss. 1, a. 7, et (Jotti, Theologia scholastico-dogmatica, Venise, 1750, t. ii, p. '130, disent nettement que ce qui fut défini dans la suite des temps était implicitement contenu dans l’Ecriture et dans la tradition, sans que l’on eût précédemment pris connaissance de sa réelle appartenance à la révélation.

î '-période, depuis la première moitié du XIXe siècle jusqu'à l'époque actuelle, caractérisée surtout par l’intérêt tout spécial qu’excile cette question et par un perfectionnement réel de l’enseignement théologique sur ce point. L’occasion de cet intérêt spécial fut le développement très considérable donné à l’histoire des dogmes, soit par beaucoup d’auteurs protestants ou incroyants qui les premiers s’engagèrent dans cette voie, soit par des auteurs catboliques désireux de défendre leur foi ainsi menacée. Ce nouveau et considérable développement, donné à l’histoire des dogmes, suscita de nombreuses et graves difficultés, dont la solution ne pouvait être que dans une doctrine plus complète du développement des dogmes. Comme nous l’avons précédemment rappelé, de nombreux faits étaient évidemment prouvés, pour l’explication desquels un progrès accidentel dans la formule des dogmes ne pouvait suffire. Il était donc nécessaire de présenter une explication dogmatique qui, en tenant exactement compte de tous les faits historiquement prouvés, maintiendrait suffisamment la doctrine de l’Eglise sur le caractère définitif et immuable de, la révélation chrétienne confiée à la garde de l’Eglise.

1. Adam Mœhler († 1838) ne fit guère que poser la grave question des développements dogmatiques, dans

sa Symbolique ou exposition des contrariétés dogmatiques entre catholiques et protestants d’après leurs confessions de foi publiques. Exposant la doctrine catholique sur le développement de la parole évangélique, il affirmait la nécessité de quelque progrès au moins dans les expressions par lesquelles la vérité chrétienne doit être formulée au cours des siècles : « La doctrine de l'Église et la doctrine de l'Écriture sont une seule et même chose. Toutefois cette unité, cette identité ne concerne ni la lettre, ni la forme ; elle ne comprend que l’esprit et l’essence. Puisque la vérité chrétienne devait durer jusqu'à la fin du monde, il fallait de toute nécessité qu’elle parût successivement sous des expressions diverses, qu’elle revêtit, pourainsi dire, dans le cours des âges, un extérieur nouveau ; la nature de l’Eglise, non moins que le but de son établissement, réclamait impérieusement cette apparente transformation. » La symbolique, trad. Lâchât, Paris, 1852, t. ii, p. 53. Et un peu plus loin : « Lorsque l’Eglise définit la doctrine primitive contre les hérésies, il faut de toute nécessité qu’elle change l’expression apostolique contre une autre plus propre à repousser l’erreur qu’elle veut condamner. Montrant la vérité divine sous tous ses points de vue, les apôtres ne purent en conserver la forme première ; l'Église ne le peut pas davantage. Puisque l’hérésie se reproduit sous mille faces différentes, puisqu’elle revêt toutes les apparences, emprunte toutes les couleurs, l’Eglise aussi doit prendre diverses positions, elle doit se mettre en face de l’erreur pour opposer à ces nouveautés d’expressions une nouvelle terminologie. Qu’on examine le symbole de Nicée, par exemple, et l’on reconnaîtra ce que nous avançons. Ainsi la tradition transmet la vérité chrétienne à travers les siècles sous des dehors multiples, en la revêtant d’une forme toujours nouvelle, et pourquoi'.' parce que cette vérité est confiée à des hommes qui doivent tenir compte des temps et des circonstances. Et de même que les écrits des apùtres ont répandu plus de jour sur la parole du divin Maître, ainsi l’enseignement de l’Eglise met dans une nouvelle lumière la doctrinede l’Ecriture sainte, » p. 55 sq. Nous nous abstenons de citer le reste de ce passage, parce que l’auteur y parle explicitement du progrès théologique qu’il affirme avoir été très considérable depuis trois siècles en ce que tous les dogmes remis en question par Luther ont été commentés, discutés, placés dans un nouveau jour, assis sur des bases plus fermes et mieux circonscrites, p. 57. En résumé, le progrès dogmatique affirmé par Mœhler est restreint, explicitement du moins, à des formules ou à des expressions nouvelles.

2. Le cardinal Newman († 1891) doit être regardé comme le principal initiateur du développement donné à la question du progrès des dogmes, particulièrement dans son ouvrage : Kssay on the development of Christian doctrine, terminé en 184-5, immédiatement avant sa réception dans l’Eglise catholique et revisé par lui en 1878. Cet ouvrage mérite donc ici une étude particulière, d’autant plus que la doctrine du célèbre oratorien a été mal interprétée tout récemment, soit par d’imprudents amis désireux de trouver en Newman une recommandation en faveur d’idées peu sûres, soit par des théologiens modernistes ou modernisants qui cherchaient à se couvrir de son patronage.

Le but immédiat de VEssay n'était point d’exposer une théorie complète sur les développements dogmatiques, mais de rechercher si les développements existant dans l’Eglise catholique sont légitimes et autorisent à conclure logiquement en faveur de la divine vérité de l’Eglise catholique, ou s’ils sont, au contraire, des corruptions doctrinales comme le prétendent les protestants.

A. Le.vistence de ces développements est d’abord