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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/232

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DONS DU SAINT-ESPRIT

La grâce sanctifiante elle-même, si elle précède naturellement la charité, comme l'âme précède les puissances, et, en conséquence, constitue le terme propre et direct de la justification, peut être envisagée comme une préparation intérieure, efficacement ordonnée au don parfait, consommé, du Saint-Esprit dans la charité, exigée par elle, et à ce titre être comprise parmi les dons du Saint-Esprit. Il en est de même des deux autres vertus théologales qui peuvent précéder la charité, connue dons du Saint-Esprit au sens large, ainsi que nous l’avons dit, mais qui nous sont données à nouveau par lui, au sens plénier, lorsque la charité, comme il convient, les informe. Suivent les habitudes infuses, qui n’existent que par la charité et se partagent en deux catégories : la première contient les vertus morales surnaturelles ; la seconde se voit attribuer par excellence le nom de don du Saint-Esprit. Restringitur (nomen doni) ad designandum septem dona Spiritus Sancti antonomastice. Alain de Lille, Distinctiones dictionum theol, § Donum, P. L., t. ccx, col. 774 ; Raynerius de Pisis, O.P., Pantheologia, tit. xiii, De dono in genere, c. i-iv, édit. Nicolaï, Lyon, 1955, p. 785 sq. Cf. David Lenfant, 0. P., Concordantiæ augustinianæ, Paris, 1056, t. i et ii, v° Donum ; les tables de l’édition bénédictine de saint Augustin, P. L., t. xxvi, et des œuvres de saint Thomas par Albert de Pergame, au mot Don.

Nous ne traiterons dans cet article ni des dons de Dieu, ni des dons du Saint-Esprit au sens large du mot, grâces actuelles, grâces gratis datæ, ni des dons du Saint-Esprit, au sens strict mais encore général, grâce sanctifiante, vertus théologales, vertus morales infuses qui sont traitées à leur place, mais uniquement des dons par excellence du Saint-Esprit, antonomastiæ, à savoir des sept dons universellement appelés dons du Saint-Esprit dans l’usage de l’Église et qui n’ont pas leur place marquée ailleurs. Cependant, les nécessités de l’exposition nous obligent, pour situer ces dons dans leur milieu, les ramener à leur point d’attache et manifester par voie d’opposition ce qui leur est propre, de faire précéder ce que nous en dirons d’un paragraphe sur le don que le Saint-Esprit nous fait de lui-même dans la charité, sujet qui d’ailleurs n’a pas été traité au mot Charité.

II. Le premier don divin : la personne du Saint-Esprit.

La question de la donation du Saint-Esprit à la créature intellectuelle est intimement liée à la question de la mission des personnes divines. Nous devons supposer cette dernière question résolue et les missions divines conçues comme une sorte de prolongement vers la créature raisonnable de la procession même par laquelle le Fils procède du Père et le Saint-Esprit du Père et du Fils, sans cesser d’agir en personnes divines. Cf. S. Thomas, Sum. theol., Ia, q. xliii. L’incarnation du Verbe est l’exemple le plus frappant d’une mission divine. C’est la seconde personne divine elle-même qui s’unit à l’humanité du Christ et agit en elle, prolongeant, pour ainsi dire, sans l’altérer, sous cette nouvelle manière d’être, la génération éternelle par laquelle elle procède du Père. On sait, d’ailleurs, que les missions des personnes divines sont dites visibles ou invisibles, visibles dans l’incarnation du Fils et dans les manifestations extérieures du Saint-Esprit, au baptême du Christ, par exemple, et à la Pentecôte ; invisibles, lorsqu’un rapport spécial s’établit entre les personnes du Fils ou du Saint-Esprit et un acte intérieur de l’homme, par exemple, la connaissance de Dieu par la foi surnaturelle formée ou l’amour de Dieu par la charité. Cf. S. Thomas, ibid. Nous n’avons à parler ici que de la mission invisible du Saint-Esprit qui se fait par l’octroi à nos âmes de la divine charité, car c’est d’elle que relève le premier don divin, le don du Saint-Esprit lui-même, et c’est à ce premier don divin que se rattachent les sept dons du Saint-Esprit.

Deux questions seront traitées :
1° Fait du don de la personne du Saint-Esprit dans la charité ;
2° Manière dont le Saint-Esprit nous est donné dans la charité.

Don du Saint-Esprit par la charité.

De nombreux textes du Nouveau Testament parlent de l’envoi du Saint-Esprit, du don du Saint-Esprit fait aux fidèles, non seulement extérieurement, mais aussi intérieurement. Il suffit de rappeler : Joa., xiv, 16, 17, 26 ; Rom., viii, passim ; I Cor., ii, 12 ; xii, passim ; II Cor., iii, passim ; Gal., iv, 6 ; v, 18, etc. ; I Thes., iv, 8 ; I Joa., iii, 24 ; iv, 13. D’autres textes mettent en relation d’une manière très spéciale le don du Saint-Esprit et la charité. On cite au premier rang Rom., v, 5, et I Joa., iv, 8-16. Le premier texte dit formellement que l’amour de Dieu, charitas Dei — ce qu’il faut entendre de l’amour divin tel qu’il est en Dieu — a été répandu dans nos cours par le Saint-Esprit et que, de ce fait, à n’en pas douter, le Saint-Esprit nous a été donné. Le point culminant du deuxième passage est celui-ci : Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et sa charité est parfaite en nous ; nous connaissons qui’nous demeurons en lui et qu’il demeure en nous en ce qu’il nous a donné de son esprit. I Joa., iv, 12, 13. Rapprochés l’un de l’autre et de ce mot du ꝟ. 7 : l’amour vient de Dieu, ces deux versets établissent une certaine identification entre ces termes : amour de Dieu en nous, demeure de Dieu en nous, don de l’esprit de Dieu. Il semble en résulter que, dans notre charité, Dieu réside intrinsèquement par le don de son Esprit. Saint Augustin arrivait à la même conclusion en rapprochant le ꝟ. 7 du ꝟ. 8. Ait Joannes, 7, Dilectio ex Deo est ; et paulo post, 8, Deus dilectio est ; ubi manifestat eam se dixisse caritatem vel dilectionem Domini quam dicit ex Deo. Deus ergo ex Deo est dilectio. De Trinitate, l. XV, c. xix, P. L., t. xlii, col. 1084. Mais ce commentaire et d’autres que l’on trouvera cités par Pierre Lombard, Sent., l. I, dist. XVII, semblent mettre entre le Saint-Esprit et notre charité une identification substantielle et absolue qui n’est pas impliquée dans le passage de l’Epitre de saint Jean que nous avions d’abord en vue.

Quoi qu’il en soit de cette exégèse de saint Augustin qui nous semble un peu tendancieuse, il ressort de ces textes que, vis-à-vis de notre charité, Dieu n’est pas une cause ordinaire, c’est-à-dire une cause qui reste totalement en dehors de ses effets ; que l’Esprit-Saint, qui procède du Père, demeure vraiment en nous, nous étant donné dans la charité comme un principe intérieur et permanent de vie surnaturelle et divine. Et tel est aussi le sentiment de l’Eglise, traduit par ses énoncés doctrinaux et le langage de sa liturgie. Cf. la prose Veni Sancte Spiritus.

Manière dont le Saint-Esprit nous est donné dans la charité.

Deux opinions se sont partagé les théologiens touchant le mode de cette présence.

1. La célèbre doctrine, aujourd’hui abandonnée, de Pierre Lombard s’appuyait sur l’exégèse augustinienne et en concluait : quod ipse idon Spiritus Sanctus est amor sive caritas qua nos diligimus Deum ac proximuni ; elle tempérait cette affirmation en l’expliquant ainsi : tunc mitti vel dari dicitur, cum ita in nobis est ut facial nos diligere Deum et proximum… cum ita impartitur alicui, id est ita habet esse in aliquo, ut eum faciat Dei et proximi amatorem. Il ressort de cette explication, comme le remarque saint Thomas, que le maître des Sentences n’a pas l’intention de dire que le mouvement d’amour par lequel nous aimons Dieu est lui-même le Saint-Esprit, mais qu’il entend seulement que ce mouvement d’amour est un acte du libre arbitre mû par le Saint-Esprit, directement, c’est-à-dire sans l’intermédiaire d’une de ces habitudes vertueuses qui interviennent dans la production des actes des autres vertus surnaturelles, foi, espérance, prudence, justice, etc. : ce que Pierre Lombard soutenait, dit saint Thomas, à cause de l’excellence de la charité. Sum.