Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/122

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en moi. Comment traduire par des mots cette poésie qui me transporte ! Je cherche, sans pouvoir les trouver, des expressions, des phrases, des épithètes, des périodes qui peignent dignement ma pensée ; tout ce qui me vient à l’esprit quand je veux écrire, fixer et conserver mes impressions, est pâle, indigne d’elles, insuffisant. — Je renonce à une entreprise trop au-dessus de mes forces ; et d’ailleurs à quoi bon peindre ?... mieux vaut jouir et sentir.

À l’extrémité orientale d’Aubonne, une ravissante promenade en esplanade, oblongue, ombragée de vieux marronniers et de tilleuls, domine le lac ; au milieu s’étend une pelouse fine et molle, il y a dans les allées un tir et des planchers pour les danses champêtres du dimanche : tout autour règne un parapet de pierres où je me suis installé contemplant tour à tour la Côte et ses riants villages de vignerons, l’eau pailletée, diamantée, scintillante, et la longue avenue d’énormes peupliers d’Italie qui, par une pente douce, aboutit à la grande route de Genève, entretenue avec autant de soin que l’allée sablée d’un immense parc.

Tous les clochers des paroisses qui entourent Aubonne se sont mis à chanter neuf heures avec des voix et des tons différents, depuis la basse jusqu’au ténor, depuis le contralto jusqu’au soprano. Le timbre grave de l’église de Lavigny m’a plu singulièrement, le village, assis sur un côteau, n’est séparé de la ville que par une