Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/159

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table voisine de la mienne causaient de leur vie militaire, — ils avaient servi la France et se racontaient des aventures de garnison. —

Cette conversation à haute voix me fit faire les réflexions que voici :

Il y a d’étranges anomalies dans le caractère de ces petits peuples, de singuliers contrastes. Suisse, — comme le dit Victor Hugo, — signifie tout à la fois homme libre et homme esclave, montagnard indépendant et concierge de grande maison, pâtre des Alpes et porte-livrée, et ce n’est pas là un pur hasard de nom.

Je me suis toujours étonné que les souverains absolus de l’Europe se soient fait garder et défendre par des troupes républicaines, et que ces troupes républicaines aient pu consentir à se mettre aux gages des rois. On me dira peut-être que les rois, n’étant pas entièrement sûrs de la fidélité de leurs sujets, se confiaient volontiers à la loyauté helvétique, appréciée de tout temps. Cela me paraît aussi raisonnable que la conduite de pères qui, tenant leurs propres enfants en suspicion, mettraient leurs intérêts les plus chers en des mains étrangères.

On me dira encore que les Suisses sont de bons soldats, je répliquerai que les Français ne le sont pas moins ; à Cérisoles et à Marignan j’opposerai Austerlitz et Marengo ; à Guillaume Tell et Winkelried, Jeanne d’Arc, Bayard, Duguesclin, Napoléon et