Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/363

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saient toujours, comme tu sais, le sol des monticules pour leurs sépultures. — De là, j’ai traverse très rapidement une plaine nue et aride et me suis retrouvé sur la grande route du Simplon.

Comme j’entrais dans le bourg de Douvaine, les douaniers sardes m’ont arrêté pour procéder à l’examen minutieux de mon linge et de mes hardes, qu’ils ont froissés et mis en désordre, suivant l’usage.

J’avais sous le bras le volume des nouvelles de Mme de Souza, édition Charpentier ; un de ces messieurs s’en saisit, l’ouvre et se met à épeler :

— S, o, u, sau, z, a, sa, Saussa... Qu’est-ce que c’est que ça ?

— Vous le voyez, ai-je répondu, c’est un livre.

Un autre gabeloux aux mains sales prend le volume sens dessus dessous, imprime ses doigts sur la couverture jaune et essaie de lire.

Puis on délibère en jargon moitié français, moitié piémontais, et on me demande si c’est un mauvais ouvrage ; je réponds qu’il contient les sermons du révérend de Souza, évêque de Tombouctou, — et le livre m’est rendu fort respectueusement.

Il faut te dire, ami, que les douaniers sardes, presque tous complètement illettrés, ont aussi pour consigne d’examiner les livres des étrangers et d’empêcher l’introduction de ceux qui contiennent des idées libérales et anti-catholiques.