Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/474

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des prédicateurs qui vous endoctrineront à persister à votre réformation. »

On voit par ce langage plein de logique et de sens que le prieur de Saint-Victor avait son franc-parler, osait dire à chacun ses vérités et ne ménageait pas plus le parti des libertins que celui des gens d’église.

Qui eût pu connaître mieux que lui l’état des mœurs locales ? N’était-il pas moine lui-même et commensal du vieil Amé de Gingins, abbé de Bonmont, homme sensuel, rieur, ivrogne et débauché ? N’avait-il pas de journaliers rapports avec les syndics, les bourgeois et les marchands de la ville ?

En 1530, la mère de Bonnivard, qui habitait Seyssel, tomba malade, et comme elle était fort âgée, il voulut aller la voir, demanda à cet effet un sauf-conduit que le duc de Savoie lui accorda, et partit malgré les conseils de ses amis ; ce voyage entrepris aussi pour les intérêts de Saint-Victor donna quelque ombrage dans Genève pendant que le prince ne se montrait guère favorable, de sorte que Bonnivard se trouva, comme il le dit, entre deux selles, n’osant ni se fier au duc ni rentrer dans la ville. Il demanda alors une prolongation pour son sauf-conduit, reçut à cet effet des lettres-patentes d’assez méchante assurance, partit pour Fribourg, et revint de là à Lausanne où l’évêque lui fit grasse chère. Ensuite il se rendit à Moudon, y soupa avec le maréchal de Savoie, et coucha