Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/60

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Prilly.

Je t’écris, cher Émile, accroupi sur les racines noueuses et tortueuses d’un tilleul trapu et ébouriffé qui a une colossale circonférence — 21 pieds, dit-on — et, s’il faut en croire la chronique, une existence de plusieurs siècles. Charles-le-Téméraire se rendant à Morat, où il fut si bien fêté par les Suisses, campa sous son ombre alors fort chétive sans doute. Le jet pur d’une fontaine, convenablement placée à l’abri des rameaux énormes et horizontaux de l’arbre monstre, au bord du chemin, tombe dans une auge de pierre ; la naïade est si belle, si fraîche, si gazouillante que je n’ai pu m’empêcher de présenter plusieurs fois à son urne ma tasse de cuir, la soif vient en buvant comme l’appétit en mangeant ; cette débauche d’eau m’a laissé la vue claire et l’esprit libre.

Ce nom de Prilly, doux, élégant, euphonique comme celui de la plupart des villages vaudois, appartient à un hameau à demi caché par les ombrages d’un vallon de peu de profondeur que coupe, je te l’ai dit précédemment, la route de France ; à droite, j’aperçois à travers la feuillée la campanille de l’école communale, en briques rouges d’un ton coloré ; à gauche, un grisâtre pavillon carré accolé à une construction irrégulière et toute rurale, c’est la pinte (cabaret) du château de Prilly