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CHAPITRE VIII

L’entrevue


Mon génie étonné tremble devant le sien.


Le pompeux cortège du Cardinal s’était arrêté à l’entrée du camp ; toutes les troupes sous les armes étaient rangées dans le plus bel ordre, et ce fut au bruit du canon et de la musique successive de chaque régiment que la litière traversa une longue haie de cavalerie et d’infanterie, formée depuis la première tente jusqu’à celle du ministre, disposée à quelque distance du quartier royal, et que la pourpre dont elle était couverte faisait reconnaître de loin. Chaque chef de corps obtint un signe ou un mot du Cardinal, qui, enfin rendu sous sa tente, congédia sa suite, s’y enferma, attendant l’heure de se présenter chez le Roi. Mais, avant lui, chaque personnage de son escorte s’y était porté individuellement, et, sans entrer dans la demeure royale, tous attendaient dans de longues galeries couvertes de coutil rayé et disposées comme des avenues qui conduisaient chez le prince. Les courtisans s’y rencontraient et se promenaient par groupes, se saluaient et se présentaient la main, ou se regardaient avec hauteur, selon leurs intérêts ou les seigneurs auxquels ils appartenaient. D’autres chuchotaient longtemps et donnaient des signes d’étonnement, de plaisir ou de mauvaise humeur, qui montraient que quelque chose d’extraordinaire venait de se passer. Un singulier dialogue, entre mille autres, s’éleva dans un coin de la galerie principale.