Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/210

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n’est pas bien ; et mettez vos draps sur votre épaule, parce qu’il fait froid cette nuit. Je vous promets, ajouta-t-il en recouvrant son jeune malade avec un soin maternel, je vous promets de ne plus vous mettre en colère par mes conseils.

— Ah ! s’écria Cinq-Mars malgré la défense de parler, moi je vous jure, par cette croix d’or que vous voyez, et par sainte Marie, de mourir plutôt que de renoncer à ce plan même que vous avez tracé le premier ; vous serez peut-être un jour forcé de me prier de m’arrêter ; mais il ne sera plus temps.

— C’est bon, c’est bon, dormez, répéta le conseiller ; si vous ne vous arrêtez pas, alors je continuerai avec vous, quelque part que cela me conduise.

Et, prenant dans sa poche un livre d’heures, il se mit à le lire attentivement ; un instant après, il regarda Cinq-Mars, qui ne dormait pas encore ; il fit signe à Grandchamp de changer la lampe de place pour la vue du malade ; mais ce soin nouveau ne réussit pas mieux ; celui-ci, les yeux toujours ouverts, s’agitait sur sa couche étroite.

— Allons, vous n’êtes pas calme, dit de Thou en souriant ; je vais faire quelque lecture pieuse qui vous remette l’esprit en repos. Ah ! mon ami, c’est là qu’il est le repos véritable, c’est dans ce livre consolateur ! car, ouvrez-le où vous voudrez, et toujours vous y verrez d’un côté l’homme dans le seul état qui convienne à sa faiblesse : la prière et l’incertitude de sa destinée ; et, de l’autre, Dieu lui parlant lui-même de ses infirmités. Quel magnifique et céleste spectacle ! quel lien sublime entre le ciel et la terre ! la vie, la mort et l’éternité sont là : ouvrez-le au hasard.

— Ah ! oui, dit Cinq-Mars, se levant encore avec une vivacité qui avait quelque chose d’enfantin, je le veux