Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/237

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— Hélas ! Dieu m’est témoin que je lui pardonne cette injure, reprit Gaston en levant les yeux ; mais je ne puis entendre plus longtemps les cris du peuple ; oui, j’irai à son secours !…

— Ah ! nous tombons à vos genoux ! s’écria Montrésor s’inclinant…

— C’est-à-dire, reprit le prince en reculant, autant que ma dignité ne sera pas compromise, et que l’on ne verra nulle part mon nom.

— Et c’est justement lui que nous voudrions ! s’écria Fontrailles, un peu plus à son aise… Tenez, monseigneur, il y a déjà quelques noms à mettre à la suite du vôtre, et qui ne craignent pas de s’inscrire ; je vous les dirai sur-le-champ si vous voulez…

— Mais, mais, mais,… dit le duc d’Orléans avec un peu d’effroi, savez-vous que c’est une conjuration que vous me proposez là tout simplement ?…

— Fi donc ! fi donc ! monseigneur, des gens d’honneur comme nous ! une conjuration ! ah ! du tout ! une ligue, tout au plus, un petit accord pour donner la direction au vœu unanime de la nation et de la cour : voilà tout !

— Mais… mais cela n’est pas clair, car enfin cette affaire ne serait ni générale ni publique : donc ce serait une conjuration ; vous n’avoueriez pas que vous en êtes ?

— Moi, monseigneur ? pardonnez-moi, à toute la terre, puisque tout le royaume en est déjà, et je suis du royaume. Eh ! qui ne mettrait son nom après celui de MM. de Bouillon et de Cinq-Mars ?…

— Après, peut-être, mais avant ? dit Gaston en fixant ses regards sur Fontrailles, et plus finement qu’il ne s’y attendait.

Celui-ci sembla hésiter un moment…

— Eh bien, que ferait Monsieur, si je lui disais des noms après lesquels il pût mettre le sien ?