Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/332

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lentement et péniblement, après s’être placé près de lui :

— Oui, mon enfant, et vous, mes enfants, je vois avec joie que mon vieil ami Bassompierre sera délivré par vous, et que vous allez venger le comte de Soissons et le jeune Montmorency… Mais il convient à la jeunesse, tout ardente qu’elle est, d’écouter ceux qui ont beaucoup vu. J’ai vu la Ligue, mes enfants, et je vous dis que vous ne pourrez pas prendre cette fois, comme on fit alors, le titre de sainte Ligue, sainte Union, de Protecteurs de saint Pierre et Piliers de l’Église, parce que je vois que vous comptez sur l’appui des huguenots ; vous ne pourrez pas non plus mettre sur votre grand sceau de cire verte un trône vide, puisqu’il est occupé par un roi.

— Vous pouvez dire par deux, interrompit Gondi en riant.

— Il est pourtant d’une grande importance, poursuivait le vieux Guise au milieu de ces jeunes gens en tumulte, il est pourtant d’une grande importance de prendre un nom auquel s’attache le peuple ; celui de Guerre du bien public a été pris autrefois, Princes de la Paix dernièrement ; il faudrait en trouver un…

— Eh bien, la Guerre du Roi, dit Cinq-Mars…

— Oui, c’est cela ! Guerre du Roi, dirent Gondi et tous les jeunes gens.

— Mais, reprit encore le vieux ligueur, il serait essentiel aussi de se faire approuver par la Faculté théologique de Sorbonne, qui sanctionna autrefois même les haut-gourdiers et les sorgueurs[1], et remettre en vigueur sa deuxième proposition : qu’il est permis au peuple de désobéir aux magistrats et de les pendre.

— Hé ! chevalier, s’écria Gondi, il ne s’agit plus de cela ; laissez parler M. le Grand ; nous ne pensons pas

  1. Termes des ligueurs.