Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/398

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en règle[1] Tout est prévu, la place de sûreté, le nombre des troupes, les secours d’hommes et d’argent.

— Les traîtres ! s’écria Louis agité, il faut les faire saisir : mon frère renonce et se repent ; mais faites arrêter le duc de Bouillon…

— Oui, Sire.

— Ce sera difficile au milieu de son armée d’Italie.

— Je réponds de son arrestation sur ma tête, Sire : mais ne reste-t-il pas un autre nom ?

— Lequel ?… quoi ?… Cinq-Mars ? dit le Roi en balbutiant.

— Précisément, Sire, dit le Cardinal.

— Je le vois bien… mais je crois que l’on pourrait…

— Écoutez-moi, dit tout à coup Richelieu d’une voix tonnante, il faut que tout finisse aujourd’hui. Votre favori est à cheval à la tête de son parti ; choisissez entre lui et moi. Livrez l’enfant à l’homme ou l’homme à l’enfant, il n’y a pas de milieu.

— Eh ! que voulez-vous donc si je vous favorise ? dit le Roi.

— Sa tête et celle de son confident.

— Jamais… c’est impossible ! reprit le Roi avec horreur et tombant dans la même irrésolution où il était avec Cinq-Mars contre Richelieu. Il est mon ami aussi bien que vous ; mon cœur souffre de l’idée de sa mort. Pourquoi aussi n’étiez-vous pas d’accord tous les deux ? pourquoi cette division ? C’est ce qui l’a amené jusque-là. Vous avez fait mon désespoir : vous et lui, vous me rendez le plus malheureux des hommes !

Louis cachait sa tête dans ses deux mains en parlant

  1. Les articles de ce traité sont rapportés en détail dans la Relation de Fontrailles ; voir les notes.