Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/419

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dement, reçu les lâches dépositions du duc d’Orléans, à Villefranche, en Beaujolais, puis à Vivey[1], à deux lieues de Lyon, où ce triste prince avait eu ordre de se rendre, tout suppliant et tremblant au milieu de ses gens, qu’on lui laissait par pitié, bien surveillé par les Gardes françaises et suisses. Le Cardinal avait fait dicter à Gaston son rôle et ses réponses mot pour mot ; et, moyennant cette docilité, on l’avait exempté en forme des confrontations trop pénibles avec MM. de Cinq-Mars et de Thou. Ensuite le chancelier et les commissaires avaient préparé M. de Bouillon, et, forts de leur travail préliminaire, venaient tomber de tout leur poids sur les deux jeunes coupables que l’on ne voulait pas sauver. — L’histoire ne nous a conservé que les noms des conseillers d’État qui accompagnèrent Pierre Séguier, mais non ceux des autres commissaires, dont il est seulement dit qu’ils étaient six du Parlement de Grenoble et deux présidents. Le rapporteur conseiller d’État Laubardemont, qui les avait dirigés en tout, était à leur tête. Joseph leur parla souvent à l’oreille avec une politesse révérencieuse, tout en regardant en dessous Laubardemont avec une ironie féroce.

Il fut convenu que le fauteuil servirait de sellette, et l’on se tut pour écouter la réponse du prisonnier.

Il parla d’une voix douce et calme.

— Dites à M. le chancelier que j’aurais le droit d’en appeler au parlement de Paris et de récuser mes juges, parce qu’il y a parmi eux deux de mes ennemis, et à leur tête un de mes amis, M. Séguier lui-même, que j’ai conservé dans sa charge ; mais je vous épargnerai bien des peines, Messieurs, en me reconnaissant coupable de

  1. Maison qui appartenait à un abbé d’Esnay, frère de M. de Vileroy, dit Montrésor.