Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/475

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M. De Thou. Il a eu tort, Monseigneur, de ne l’avoir dit ; car il a receu le commandement aussi bien que moi.

M. Le Cardinal. Où sont ces commandements ?

M. De Thou. Ils sont en bonnes mains, pour les produire quand il en sera besoin.


Mais c’est là ce qu’il faut éviter. Le Cardinal ne veut pas savoir que le Roi a donné des ordres contre lui. Il demande à Paris des commissaires, un surtout qu’il désigne, M. de Lamon, pour aider M. de Chazé à de nouveaux interrogatoires dirigés contre ce de Thou si imposant, si ferme, si grave, si loyal et si redoutable par sa vertu.

Tandis que ce jeune magistrat parle ainsi, Gaston d’Orléans, Monsieur, le frère du Roi, envoie sa confession et se met à genoux, en ces termes :


Gaston, fils de France, frère unique du Roy, estant touché d’un véritable repentir d’avoir encore manqué à la fidélité que je dois au Roy monseigneur, et désirant me rendre digne de la grâce et du pardon, j’avoue sincèrement toutes les choses dont je suis coupable.


Suivent les accusations contre M. le Grand, sur qui il rejette noblement toute l’affaire.

Puis une seconde confession accompagne la première, touchant l’autre péché :


Monsieur, frère du Roy à Son Éminence.


D’Aigueperce, le 7 juillet 1642.

Gaston, etc. Ne pouvant assez exprimer à mon cousin le Cardinal de Richelieu quelle est mon extrême douleur d’avoir pris des liaisons et correspondances avec ses ennemis… je proteste devant Dieu, et prie M. le Cardinal de croire que je n’ai pas eu plus grande connoissance de ce qui peut regarder sa personne, et que, pour mourir, je n’aurois jamais presté ny l’oreille ny le cœur à la moindre proposition qui eust esté contre elle, etc., etc.


La politesse de la frayeur ne peut aller plus loin et plus bas assurément.