Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/504

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mément à la délibération qui en avoit esté prise. — Quand je luy demanday comme quoy il l’avoit appris, il me déclara en confiance fort franchement qu’il le sçavoit de la Royne et qu’elle le tenoit de Monsieur.

« Je n’ignorois pas que Sa Majesté eust fort souhaité une cabale et y avoit contribué de tout son pouvoir[1]. »


M. de Thou pouvait donc s’appuyer sur cette autorité ; mais il sait qu’il fera persécuter la reine Anne d’Autriche, et il se tait. Il se tait aussi sur le Roi lui-même et ne daigne pas répéter ce qu’il a dit au Cardinal dans son entretien particulier. Il ne veut pas de la vie à ce prix.

Quant à M. de Cinq-Mars, il n’a qu’une raison à donner :

Il m’a cru son amy.

Quand même, au lieu d’être un ami éprouvé, il n’eût été qu’un homme uni à M. de Cinq-Mars par des relations passagères, il l’a cru son ami, il a eu foi en lui, il ne l’a pas voulu trahir. Tout est là.

Lorsque la religion chrétienne a institué la confession, elle a, je l’ai dit ailleurs, divinisé la confidence ; comme on aurait pu se défier du confident, elle s’est hâtée de déclarer criminel et digne de la mort éternelle le prêtre qui révélerait l’aveu fait à son oreille. Il ne fallait pas moins que cela pour transformer tout à coup un étranger en ami, en frère, pour faire qu’un chrétien pût aller ouvrir son âme au premier venu, à l’inconnu qu’il ne reverra jamais, et dormir le soir en paix dans son lit, sûr de son secret comme s’il l’eût dit à Dieu.

Donc tout ce qu’a pu faire le confesseur, à l’aide de sa foi et de l’autorité de l’Église, a été d’arriver à être considéré par le pénitent comme un ami, de parvenir à faire naître ces épanchements salutaires, ces larmes sacrées, ces récits complets, ces abandons sans réserve que l’amitié grave et bonne avait seule le droit de recevoir avant la confession, l’amitié, la sainte amitié, qui rend en vertueux conseils ce qu’elle reçoit en coupables aveux.

Si donc le confesseur prétend à la tendresse de cœur, à la

  1. Relation de M. de Fontrailles.