Page:Allais - À l’œil.djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Dire que la plus franche cordialité règne entre ces deux groupes serait offenser la vérité.

C’est à qui fera à l’autre la meilleure blague.

Ainsi, M. Ricordi apprenant un jour que M. Leoncavallo, l’auteur si populaire des Pagliacci et qui s’édite chez M. Sonzogno, travaillait à une Bohème tirée de Murger, en commanda immédiatement une autre à son compositeur favori M. Puccini.

Ce dernier se mit à l’ouvrage avec une furia italiana considérable ; de mauvaises langues prétendent même que, pour en avoir plutôt fini, il se fit donner un coup de main par les camarades. (Moi, je ne le crois pas.)

Bref, sa Bohème à lui, Puccini, fut écrite, répétée et jouée dans toute l’Italie en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire.

Sans autrement s’effarer de cette trombe, mon Leoncavallo achevait tranquillement sa petite Bohème à lui, et c’est elle qu’on représentait, l’autre soir, dans ce merveilleux théâtre de la Fenice, à Venise.

J’ai assisté à bien des triomphes, mais je n’ai jamais rien vu de pareil.

L’enthousiasme, d’ailleurs, se panachait, pour les Français présents, d’un comique irrésistible.

Suivant en cela l’usage italien, le maestro Leoncavallo, dans la coulisse, tout prêt à accou-