Page:Allais - À l’œil.djvu/28

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six francs, je vendis quelques livres, j’extorquai par intimidation une menue somme à ma sœur et je crois bien que je pris le reste dans le comptoir paternel.

Le lendemain, pour bien jouir de mon triomphe, drapé dans ma verte acquisition, j’arrivai à la classe un peu en retard.

Nulle plume humaine ne saurait dépeindre mon indescriptible triomphe.

Mes camarades levèrent les yeux, m’aperçurent, et ce fut un éclat de rire formidable et inextinguible.

Moi, de mon air le plus naturel du monde, je gagnai ma place.

Vert-Vert, effroyablement pâle, s’était levé.

— Monsieur, s’écria-t-il, vous avez mon pardessus !

— Mais pas du tout, m’sieu, c’est à moi. Je l’ai acheté hier chez la mère Polydore.

— Apportez-le moi, je vous le confisque.

— Non, m’sieu, j’vous l’apporterai pas. Vous n’avez pas le droit de confisquer les effets.

La discussion s’aggrava. Vert-Vert me mit à la porte. Je me plaignis au principal qui me donna raison.

Le soir même, je rencontrai le pauvre diable dans la rue. Il m’appela et voici ce qu’il me dit :