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Quatrième lettre :


« Cher monsieur,

« Permettez-vous à une de vos nombreuses lectrices et admiratrices de vous fournir un sujet pour l’un de vos prochains articles ?

« Voici :

« Il s’agit d’un jeune homme dont les trois seuls vrais frissons dans la vie consistent :

« 1o En une invétérée passion pour sa bonne amie qu’on appelle Tonton ;

« 2o En un culte fervent pour l’œuvre de M. Taine dont il possède, au meilleur de sa bibliothèque, tous les ouvrages ;

« 3o En un attachement presque maternel pour un jeune thon qu’il élève dans un aquarium avec des soins touchants.

« Or, un jour, ce jeune homme est forcé de s’absenter pendant quelques semaines pour (… trop long).

« Quand il revient, un de ses amis l’attend à la gare, avec des yeux de funérailles.

« — Mon pauvre vieux, dit cet homme triste, tu vas trouver ta maison bien vide…

« — Pourquoi donc ?

« — Gustave a profité de ton absence pour s’introduire chez toi et t’enlever Tonton, ton Taine et ton thon.

« Vous le voyez, cher monsieur, le thème est un peu mince, mais avec votre esprit et votre fantaisie, vous ne pouvez manquer d’en faire un de ces petits chefs-d’œuvre dont vous êtes coutumier.

« Agréez, etc.

« Une gardeuse de hannetons. »


Je passe sous silence, entre autres correspondances, une lettre roulant entièrement sur les localités de la banlieue de Paris, et dans laquelle on se demande, non sans angoisses, ce que les bougies valent. « D’ailleurs, ajoute mon correspondant, est-on bien fixé sur la question de savoir si Levallois paierait… » Charmant, n’est-ce pas ?

Dans un autre ordre d’idées, j’ai également reçu une lettre de M. Pierre Louys, un jeune littérateur de beaucoup de talent, qui veut bien m’informer du brevet qu’il vient de prendre pour se garantir la propriété de sa nouvelle invention, le Tabac sans fumée.

La chose vaut la peine qu’on en reparle.

J’y reviendrai, comme dit Sarcey, dans une de mes prochaines causeries.