Page:Allart - Les Enchantements de Prudence.djvu/40

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seules. Elle était couchée et elle pleurait, sans éclat, sans bruit, mais avec un profond sentiment d’affliction (7 juillet 1821). Je m’assis sur son lit, je ne pleurais pas, mais elle connaissait bien mes sentiments, elle s’y fiait ; elle trouvait du charme à m’avoir là, elle cherchait ma sympathie. Nous restâmes ainsi longtemps ensemble en disant peu de mots ; la vérité de ses larmes, leur abandon, leur caractère me fit une impression qui ne s’effaça plus. Sans doute il y avait chez elle une puissance pour s’affliger, pour s’élever haut dans les chagrins publics. Je passai les jours suivants près d’elle. Mes sentiments pour elle s’exaltèrent dans des moments si tristes ; ce fut elle qui devint mon empereur ; et quand bientôt nous nous retrouvâmes presque seules et dans un chagrin non pas diminué, mais adouci, des jours d’un enivrement continuel commencèrent pour moi.

Je me rappelle alors un matin où elle faisait sa toilette. C’était avant le déjeuner : vêtue en blanc, en robe de chambre légère, et assise devant un grand miroir dans son cabinet de toilette, qui avait une large porte sur le parc, elle éloigna sa femme de chambre, et elle resta assise devant son miroir sans se regarder et en pleurant. C’était tout à fait pour moi une femme romaine qui pleurait la mort de Caton ou celle de César. Ainsi Calpurnie, après le meurtre de César, qu’elle avait tant cherché à retenir au lever de leur lit conjugal, bien qu’elle fût courageuse, avait dû pleurer et interrompre, pour pleurer, sa toilette et les plus simples actions de sa vie. Touchée par elle, ravie d’elle, je sortis quand elle reprit sa toilette, pour aller dans le parc rêver d’elle, et la plaindre, et