Page:Alletz - Discours sur la république de Venise.djvu/31

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s’y maintenir. C’était épargner le trésor de l’État, occuper l’ambition des plus puissants citoyens, éloigner les esprits inquiets, exercer les grands courages, et faire servir à la puissance commune l’intérêt et la passion.

La politique vénitienne suivait souvent de très-près les traces de la romaine. On la voit recourir, sans scrupule, au perfide emploi des alliances pour endormir la vigilance de ceux qu’elle menace, et pratiquer l’art de promettre afin de trahir, de protéger pour diviser, et de rompre dès que l’heure de vaincre est arrivée. Désirant ruiner un assez dangereux voisin, François Carrare, seigneur de Padoue, Venise parvint à le brouiller avec Léopold, duc d’Autriche, en cédant à ce dernier la province de Trévise : elle jeta aussi des défiances entre François Carrare et le seigneur de Vérone, puis entre ce même seigneur de Padoue et Galéas Visconti qui s’était emparé de la principauté de Milan. Ensuite elle leur accorda, tour à tour, un semblant de protection et d’amitié, de manière à mieux enflammer leurs jalousies chagrines. Une guerre allumée entre eux conduisit la république à ses fins : la ruine de François Carrare fut consommée, et les Vénitiens commencèrent par diviser ses dépouilles avec le duc de Milan. C’est ainsi qu’ils se rendirent maîtres de Trévise, Corfou, Durazzo, Alessio, Argos et Naples de Romanie. Il leur restait à affaiblir le duc de Milan : pour cela ils relevèrent le courage du seigneur de Padoue, et lui laissèrent reprendre sa ville par une surprise nocturne. Peu à peu il recouvra des forces plus qu’ils ne voulaient, et forma une ligue avec quelques petits princes contre la duchesse de Milan, veuve de Galéas Visconti, et régente de ce duché. Cette princesse vint à son tour implorer l’appui de Venise, qui consentit à la soutenir contre François Carrare, moyennant la cession de Vicence, Feltre