Page:Alletz - Discours sur la république de Venise.djvu/8

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rine, et qu’un navire est le pays de ceux qui le montent, les Vénitiens ne transmirent jamais à aucun étranger la direction suprême de leurs flottes ; agissant ainsi au rebours de ce qu’ils avaient accoutumé de faire pour le commandement de leurs armées de terre. L’arsenal de Venise, qui était aux jours de leur puissance un établissement célèbre parmi les nations, offrait une belle image de l’honneur où ils tenaient la marine. Assez vaste pour enfermer trois bassins où étaient admis tous les vaisseaux, il occupait seul seize mille ouvriers et trente-six mille marins. Cet arsenal était placé sous la surveillance du doge et dirigé par des magistrats responsables de son approvisionnement comme de sa splendeur. Les ouvriers qu’on y employait jouissaient de grands privilèges ; leurs femmes et leurs enfants étaient entretenus aux frais de l’État, et leur fidélité regardée comme l’une des sûretés de la république. Là se trouvaient de prodigieux magasins de voiles, de câbles, de bois, d’armes et matériaux de toute espèce. La direction de chacun des métiers qui conviennent à l’équipement d’une flotte était une magistrature presque toujours héréditaire. Des prix étaient institués pour récompenser ceux qui se distinguaient dans quelqu’une des professions qui relèvent de la marine ; et tout mérite qui y faisait éclat obtenait une pension pour le reste de sa vie. L’émulation était tenue en haleine dans les divers corps de métiers qui remplissaient la ville, et pour leur faire mettre à grand honneur l’habileté en mer, on leur laissait désigner entre eux les hommes qui devaient être exercés par l’état à faire manœuvrer les galères. Ainsi se formait une bonne réserve de mer, dont la force ne montait pas à moins de dix mille hommes. Cet enrôlement dans la milice navale courait entre les jeunes gens de seize ans et les hommes de cinquante. Tous les ans étaient célébrées dans le golfe, sous les