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LIN

Hôr et Tone en vieux goth[1]. Haar existe aussi dans l’allemand de Salzburg[2]. Sans doute on peut expliquer ce mot par le sens ordinaire en allemand de fil, cheveu, comme le nom de Li peut être rattaché à une même racine que ligare, lier, et comme Hör, au pluriel Hörvar, est rattaché par les érudits[3] à Harva, radical allemand pour Flachs, mais le fait n’en existe pas moins que dans les pays Scandinaves et en Finlande on a employé d’autres expressions que dans tout le midi de l’Europe. Cette diversité indique l’ancienneté de la culture et concorde avec le fait que les lacustres de Suisse et d’Italie cultivaient un Lin avant les premières invasions des Aryens. Il est possible, je dirai même probable, que ceux-ci ont apporté le nom Li, plutôt que la plante ou sa culture ; mais, comme aucun Lin n’est spontané dans le nord de l’Europe, ce serait un ancien peuple, les Finnois, d’origine touranienne, qui auraient introduit le Lin dans le nord avant les Aryens. Dans cette hypothèse, ils auraient cultivé le Lin annuel, car le Lin vivace ne supporterait pas les rigueurs des pays septentrionaux, tandis que nous savons à quel point le climat de Riga est favorable en été à la culture du Lin ordinaire annuel. La première introduction dans la Gaule, en Suisse et en Italie a pu venir du midi, par les Ibères, et en Finlande par les Finnois ; après quoi les Aryens auraient répandu les noms les plus habituels chez eux, celui de Lin dans le midi et de flahs dans le nord. Peut-être eux et les Finnois avaient-ils apporté d’Asie le Lin annuel, qu’on aurait vite substitué au Lin vivace, moins avantageux et moins adapté aux pays froids. On ne sait pas exactement à quelle époque la culture du Lin annuel a remplacé, en Italie, celle du Linum angustifolium vivace, mais ce doit être avant l’ère chrétienne, car les auteurs parlent d’une culture bien établie, et Pline dit qu’on semait le Lin au printemps et qu’on l’arrachait en été[4]. On ne manquait pas alors d’instruments de métal, ainsi on aurait coupé le Lin s’il avait été vivace. D’ailleurs celui-ci semé au printemps n’aurait pas été mûr avant l’automne.

Par les mêmes raisons, le Lin cultivé chez les anciens Égyptiens devait être annuel. On n’a pas trouvé jusqu’à présent dans les catacombes des plantes entières ou des capsules nombreuses, de nature à donner des preuves directes et incontestables. Seulement Unger[5] a pu examiner une capsule tirée des briques d’un monument que Lepsius attribue au XIIIe ou XIVe siècle avant J.-C, et il l’a trouvée plus semblable à celles du L. usitatissimum que du

  1. Nemnich, ibid.
  2. Nemnich, ibid.
  3. Fick, Vergl. Worterbuch Ind. germ. 2e éd., 1, p. 722. Le même fait venir le nom Lina du latin Linum, mais ce nom remonte plus haut, étant commun à plusieurs langues aryennes européennes.
  4. Plinius, l. 19, cap. 1 : Vere satum æstate vellitur.
  5. Unger, Botanische Streifzüge, 1866. n° 7, p. 15.