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POIRIER COMMUN

Poirier commun. — Pyrus communis, Linné.

Le Poirier se montre à l’état sauvage dans toute l’Europe tempérée et dans l’Asie occidentale, en particulier en Anatolie, au midi du Caucase et dans la Perse septentrionale[1], peut-être même dans le Cachemir, mais ceci est très douteux[2]. Quelques auteurs admettent que l’habitation s’étend jusqu’en Chine. Cela tient à ce qu’ils considèrent le Pyrus sinensis, Lindley, comme appartenant à la même espèce. Or l’inspection seule des feuilles, où les dentelures sont terminées par une soie fine, m’a convaincu de la diversité spécifique des deux arbres[3].

Notre Poirier sauvage ne diffère pas beaucoup de certaines variétés cultivées. Il a un fruit acerbe, tacheté, de forme amincie dans le bas ou presque sphérique, sur le même pied[4]. Pour beaucoup d’autres espèces cultivées, on a de la peine à distinguer les individus venant d’une origine sauvage de ceux que le hasard des transports de graines a fait naître loin des habitations. Dans le cas actuel, ce n’est pas aussi difficile. Les Poiriers se trouvent souvent dans les forêts, et ils atteignent une taille élevée, avec toutes les conditions de fertilité d’une plante indigène[5]. Voyons cependant si, dans la vaste étendue qu’ils occupent, on peut soupçonner une existence moins ancienne ou moins bien établie dans certaines contrées que dans d’autres.

On ne connaît aucun nom sanscrit pour la poire, d’où il est permis d’affirmer que la culture dans le nord-ouest de l’Inde date d’une époque peu ancienne, et que l’indication, d’ailleurs trop vague, de pieds spontanés dans le Cachemir, n’a pas d’importance. Il n’y a pas non plus de noms hébreux ou araméens[6], mais cela s’explique par le fait que le Poirier ne s’accommode pas des pays chauds dans lesquels ces langues étaient parlées.

Homère, Théophraste et Discoride mentionnent le Poirier sous les noms d’Ochnai, Apios ou Achras, Les Latins l’appelaient Pirus ou Pyrus[7], et ils en cultivaient un grand nombre de

  1. Ledebour, Fl. ross., 2, p. 94 ; et surtout Boissier, Fl. orient., 2, p. 653, qui a vérifié plusieurs échantillons.
  2. Sir J. Hooker, Fl. brit. India, 2, p. 374.
  3. Le P. sinensis décrit par Lindley est mal figuré quant aux dentelures des feuilles dans la planche du Botanical register, et au contraire parfaitement bien dans celle du Jardin fruitier du Muséum, de Decaisne. C’est la même espèce que le P. ussuriensis, Maximowicz, de l’Asie orientale.
  4. Il est figuré très bien dans le nouveau Duhamel, 6, pl. 59, et dans Decaisne, Jardin fruitier du Muséum, p. 1, fig. B et C. Le P. Balanaæ, pl. 6, du même ouvrage, paraît semblable, selon l’observation de M. Boissier.
  5. C’est le cas, par exemple, dans les forêts de la Lorraine, d’après les observations de Godron, De l’origine probable des Poiriers cultivés, br. in-8o, 1873, p. 6.
  6. Rosenmüller, Bibl. Altertk., Löw, Aramaeische Pflanzennamen, 1881.
  7. L’orthographe Pyrus, adoptée par Linné, se trouve dans Pline, Historia, ed. 1631, p. 301. Quelques botanistes ont voulu raffiner en écrivant Pirus, et il en résulte que, pour une recherche dans un livre moderne, il faut consulter l’index dans deux endroits, ou risquer de croire que les