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POMMIER

l’espèce est probablement ancienne et originelle en divers pays, et s’il n’y a pas une patrie plus ancienne que les autres, étendue graduellement par des semis accidentels de formes altérées par des croisements et par la culture.

Si l’on demande dans quel pays on à trouvé le Pommier avec l’apparence la plus indigène, c’est la région de Trébizonde au Ghilan qu’il faut citer. La forme qu’on y rencontre sauvage est à feuilles laineuses en dessous, à pédoncule court et fruit doux[1], qui répond au Malus communis de France, décrit par Boreau. Voilà un indice que la patrie préhistorique s’étendait de la mer Caspienne jusque près de l’Europe.

Piddington citait, dans son Index, un nom sanscrit pour le Pommier, mais Adolphe Pictet[2] nous apprend que ce nom, Seba, est industani et provient du persan Sêb, Sêf, L’absence de nom plus ancien dans l’Inde fait présumer que la culture, actuellement fréquente, dans le Cachemir et le Thibet, et surtout celle dans les provinces du nord-ouest ou du centre de l’Inde sont plus anciennes. Le Pommier n’était probablement connu que des Aryas occidentaux.

Ceux-ci ont eu, selon toute probabilité, un nom basé sur Ab, Af, Av, Ob, car on remarque ce radical dans plusieurs langues européennes d’origine aryenne. Ad. Pictet cite : en irlandais Aball, Ubhal ; en cymrique, Afal ; en armoricain, Aval ; en ancien allemand, Aphal ; en anglo-saxon, Appel ; en Scandinave, Apli ; en lithuanien, Obolys ; en ancien slave, Iabluko ; en russe, Iabloko. Il semble, d’après cela, que les Aryas occidentaux, ayant trouvé le Pommier sauvage ou déjà naturalisé dans le nord de l’Europe, auraient conservé le nom sous lequel ils le connaissaient. Les Grecs ont dit Mailea ou Maila, les Latins Malus, Malum, mots d’une origine fort incertaine, dit Ad. Pictet. Les Albanais, qui remontent aux Pélasges, disent Molé[3]. Théophraste[4] mentionne des Maila sauvages et cultivés. Je citerai enfin un nom tout particulier des Basques (anciens Ibères ?), Sagara, qui fait supposer une existence en Europe antérieure aux invasions aryennes.

Les habitants des « terramare » de Parme et des palafittes des lacs de Lombardie, de Savoie et de Suisse faisaient grand usage des pommes. Ils les coupaient toujours en long et les conservaient desséchées, comme provisions pour l’hiver. Les échantillons sont souvent carbonisés, à la suite d’incendies, mais on reconnaît d’autant mieux alors la structure interne du fruit. M. Heer[5], qui a montré une grande sagacité dans l’observation de ces détails, distingue dans les pommes des lacustres suisses, d’une époque où ils n’avaient pas de métaux, deux variétés

  1. Boissier, l. c.
  2. Ad. Pictet, Origines indo-européennes, 1, p. 276.
  3. De Heldreich, Nutzpflanzen Griechenlands, p. 64
  4. Théophraste, De causis, l. 6, cap. 24.
  5. Heer, Pfahlbauten, p. 24. f. 1-7.