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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS

les décombres et les terrains abandonnés. La même chose a été observée ailleurs, par exemple dans les sables de l’Ussuri, dans l’Asie orientale. Ce serait une raison pour se défier de la localité des sables du Niger, si la petitesse des fruits dans cet endroit ne rappelait les formes spontanées de l’Inde.

La culture du Melon, ou de diverses variétés du Melon, a pu commencer séparément dans l’Inde et en Afrique.

Son introduction en Chine parait dater seulement du VIIIe siècle de notre ère, d’après l’époque du premier ouvrage qui en ait parlé[1]. Comme les relations des Chinois avec la Bactriane et le nord-ouest de l’Inde, par l’ambassade de Chang-Kien, remontent au IIe siècle avant Jésus-Christ, il est possible que la culture de l’espèce ne fût pas alors très répandue en Asie. La petitesse du fruit spontané n’encourageait pas. On ne connaît aucun nom sanscrit, mais un nom tamoul, probablement moins ancien, Molam[2], qui ressemble au nom latin Melo.

Il n’est pas prouvé que les anciens Égyptiens aient cultivé le Melon. Le fruit figuré par Lepsius[3] n’est pas reconnaissable. Si la culture avait été usuelle et ancienne dans ce pays, les Grecs et les Romains en auraient eu connaissance de bonne heure. Or il est douteux que le Sikua d’Hippocrate et de Théophraste, ou le Pepôn de Dioscoride, ou le Melopepo de Pline fussent le Melon. Les textes sont brefs et insignifiants ; Galien[4] est moins obscur, lorsqu’il dit qu’on mange l’intérieur des Melopepones, mais non des Pepones. On a beaucoup disserté sur ces noms[5], mais il faudrait des faits plutôt que des mots. La meilleure preuve que j’aie pu découvrir de l’existence du Melon chez les Romains est un fruit figuré très exactement dans la belle mosaïque des fruits au musée du Vatican. Le Dr Comes certifie, en outre, que la moitié d’un Melon est représentée dans un dessin d’Herculanum[6]. L’espèce s’est introduite dans le monde gréco-romain probablement à l’époque de l’empire, au commencement de l’ère chrétienne. La qualité en était, je suppose, médiocre, vu le silence ou les éloges modérés des auteurs, dans un pays où les gourmets ne manquaient pas. Depuis la Renaissance, une culture plus perfectionnée et des rapports avec l’Orient et l’Égypte ont amené de meilleures variétés dans les jardins. Nous savons cependant qu’elles dégénèrent assez souvent, soit par des intempéries ou de mauvaises conditions du sol, soit par un croisement avec des variétés inférieures de l’espèce.

  1. Bretschneider, lettre du 26 août 1881.
  2. Piddington, Index.
  3. Voir la copie dans Unger, Pflanzen des alten Ægyptens, fig. 25.
  4. Galien, De alimentis, 1. 2, c. 5.
  5. Voir toutes les Flores de Virgile, et Naudin, Ann. sc., nat., série 4 vol. 12, p. 111.
  6. Comes, Ill. piante nei dipinti pompeiani, in-4, p. 20, d’après Museo nazion., vol. 3, pl. 4.