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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES

nant à Kew. Comme les Arabes cultivent beaucoup la Fève, elle se rencontre peut-être accidentellement hors des cultures. Il ne faut pas oublier cependant que Pline (l .18, c. 12) parle d’une Fève sauvage en Mauritanie ; mais il ajoute qu’elle est dure et qu’on ne peut pas la cuire, ce qui fait douter de l’espèce. Les botanistes qui ont écrit sur l’Égypte et la Cyrénaïque, en particulier les plus écents[1], donnent la Fève pour cultivée.

Cette plante est seule à constituer le genre Faba. On ne peut donc invoquer aucune analogie botanique pour présumer son origine. C’est à l’histoire de la culture et aux noms de l’espèce qu’il faut recourir si l’on veut deviner le pays où elle était anciennement indigène.

Mettons d’abord de côté une erreur qui venait d’une mauvaise interprétation des ouvrages chinois. Stanislas Julien avait cru que la fève était une des cinq plantes que l’empereur Chin-Nong, il y a 4600 ans, avait ordonné de semer en grande solennité chaque année[2]. Or, d’après le Dr Bretschneider[3], qui est entouré à Peking de toutes les ressources possibles pour savoir la vérité, la graine, analogue à une fève, que sèment les empereurs dans la cérémonie ordonnée est celle du Soja (Dolicho Soja), et la Fève a été introduite en Chine, de l’Asie occidentale, un siècle seulement avant l’ère chrétienne, lors de l’ambassade de Chang-Kien. Ainsi tombe une assertion qu’il était difficile de concilier avec d’autres faits, par exemple avec l’absence de culture ancienne de la Fève dans l’Inde et de nom sanscrit, ou même de quelque langue moderne indienne.

Les anciens Grecs connaissaient la Fève, qu’ils appelaient Kuamos et quelquefois Kuamos de Grèce, Kuamos ellenikos, pour la distinguer de celle d’Égypte, qui était la graine d’une espèce aquatique toute différente, le Nelumbium. L’Iliade parle déjà de la Fève comme d’une plante cultivée[4], et M. Virchow en a trouvé des graines dans les fouilles faites à Troie[5]. Les Latins l’appelaient Faba, On ne trouve rien dans les ouvrages de Théophraste, Dioscoride, Pline, etc., qui puisse faire croire que la plante fût indigène en Grèce ou en Italie. Elle y était anciennement connue, puisque dans le vieux culte des Romains on devait mettre des fèves dans les sacrifices le jour de la déesse Carna, d’où le nom de Fabariæ calendæ[6]. Les Fabius tiraient peut-être leur nom de Faba, et le chapitre XII du livre 18 de Pline montre, à n’en pouvoir douter, le rôle ancien et important de la fève en Italie.

  1. Schweinfurth et Ascherson, Aufzählung, p. 256 ; Rohlfs, Kufra, un vol. in-8o.
  2. Loiseleur-Deslongchamps, Considérations sur les céréales, part. 1, p. 29.
  3. Bretschneider, On study and value of chinese bot. works, p. 7 et 15.
  4. Iliade, 13, v. 589.
  5. Wittmack, Sitz. bericht Vereins, Brandenb., 1879.
  6. Novitius Dictionnarium, au mot Faba.