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SARRASIN ÉMARGINÉ

motivé par la couleur. L’origine méridionale a été admise jusqu’à la fin du siècle dernier et même dans le siècle actuel[1]. Reynier l’a combattue le premier, il y a plus de cinquante ans.

Le Sarrasin s’échappe quelquefois des cultures et devient quasi spontané. Plus on avance vers son pays d’origine, plus cela se voit fréquemment, et il en résulte qu’on aurait de la peine à déterminer la limite, comme plante spontanée, sur les confins de l’Europe et de l’Asie, dans l’Himalaya ou en Chine. Au Japon, ces demi-naturalisations ne sont pas rares[2].

Sarrasin ou Blé noir de Tartarie. — Polygonum tataricum, Linné. — Fagopyrum tataricum, Gærtner.

Moins sensible au froid que le Sarrasin ordinaire, mais donnant un grain médiocre, on le cultive quelquefois en Europe et en Asie, par exemple dans l’Himalaya[3]. C’est une culture peu ancienne. Les auteurs des XVIe et XVIIe siècles n’ont pas mentionné la plante ; c’est Linné qui en a parlé, un des premiers, comme originaire de Tartarie. Roxburgh et Hamilton ne l’avaient pas vue dans l’Inde septentrionale au commencement du siècle actuel, et je ne la trouve pas indiquée en Chine et au Japon.

Elle est bien spontanée en Tartarie et en Sibérie, jusqu’en Daourie[4] ; mais les botanistes russes ne l’ont pas trouvée plus à l’est, par exemple dans la région du fleuve Amour[5].

Comme cette plante est arrivée par la Tartarie dans l’Europe orientale, après le Sarrasin ordinaire, c’est celui-ci qui porte dans plusieurs langues slaves le nom de Tatrika, Tatarka ou Tattar, qui conviendrait mieux, vu l’origine, au Sarrasin de Tartarie.

Il semble que les peuples aryens ont dû connaître cette espèce, et cependant on ne mentionne aucun nom dans les langues indo-européennes. Jusqu’à présent on n’en a pas trouvé de trace dans les restes des habitations lacustres en Suisse ou en Savoie.

Sarrasin émarginé. — Polygonum emarginatum, Roth. — Fagopyrum emarginatum, Meissner.

Cette troisième espèce de Sarrasin est cultivée dans les parties hautes et orientales du nord de l’Inde, sous le nom de Phapara ou Phaphar[6], et en Chine[7].

Je ne vois pas de preuve positive qu’on l’ait trouvée sauvage.

  1. Nemnich, Polyglott. Lexicon, p. 1030 ; Bosc, Dict. d’agric. 11, p. 379.
  2. Franchet et Savatier, Enum. plant. Japoniæ, 1, p. 403.
  3. Royle, Ill. Himal., p. 317.
  4. Gmelin, Flora sibirica, 3, p. 64 ; Ledebour, Flora rossica, 3 p. 516.
  5. Maximowicz, Primitiæ ; Regel, Opit flori, etc. ; Schmidt, Reisen in Amur, n’en parlent pas.
  6. Royle, Ill. Himal., p. 317 ; Madden, Trans. bot. Soc. Edinb., 5, p. 118.
  7. Roth, Catalecta botanica, 1, p. 48.