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ORGE À DEUX RANGS

ou générique. C’est une difficulté dont nous devons tenir compte. Par exemple, les expressions de l’Ancien Testament, de Bérose, de Moïse de Chorène, Pausanias, Marco Polo, et plus récemment d’Olivier, qui indiquent « l’orge spontanée ou cultivée » dans tel ou tel pays, ne prouvent rien, parce qu’on ne sait pas de quelle espèce il s’agit. Même obscurité pour la Chine. Le Dr  Bretschneider[1] dit que, d’après un ouvrage publié en l’an 100 de notre ère, les Chinois cultivaient une « Orge », mais il n’explique pas laquelle. À l’extrémité occidentale de l’ancien monde les Guanches cultivaient aussi de l’Orge dont on connaît le nom, pas l’espèce.

L’Orge à deux rangs, sous sa forme ordinaire dans laquelle les grains sont couverts à maturité, a été trouvée sauvage dans l’Asie occidentale, savoir : dans l’Arabie Pétrée[2], autour du mont Sinaï[3], sur les ruines de Persépolis[4], près de la mer Caspienne[5] entre Lenkoran et Baku, dans le désert de Chirvan et Awhasie, également au midi du Caucase[6] et en Turcomanie[7]. Aucun auteur ne l’indique en Crimée, en Grèce, en Égypte ou à l’orient de la Perse. Willdenow[8] l’indique à Samara, dans le sud-est de la Russie ; ce que les auteurs plus récents ne confirment pas. La patrie actuelle est donc de la mer Rouge au Caucase et à la mer Caspienne.

D’après cela l’Orge à deux rangs devait être une des formes cultivées par les peuples sémitiques et touraniens. Cependant on ne l’a pas trouvée dans les monuments d’Égypte. Il semble que les Aryas ont dû la connaître, mais je n’en vois pas de preuve dans les noms vulgaires ou dans l’histoire.

Théophraste[9] parle de l’Orge à deux rangs. Les lacustres de la Suisse. orientale la cultivaient avant de posséder des métaux[10] ; mais l’Orge à six rangs était plus commune chez eux.

La race dans laquelle le grain est nu à maturité (H. distichon nudum, Linné), qu’on appelle en français de toutes sortes de noms absurdes. Orge à café, 0. du Pérou, etc., n’a jamais été trouvée sauvage.

L’Orge en éventail (Hordeum Zeocriton, Linné) me parait une forme cultivée de l’Orge à deux rangs. On ne la connaît pas à l’état

  1. Bretschneider, On the study, etc., p. 8.
  2. Herbier Boissier, échantillon bien déterminé, par Reuter.
  3. Figari et de Notaris, Agrostologiæ ægypt, fragm., p. 18.
  4. Plante très maigre, recueillie car Kotschy, n° 290, dont je possède un échantillon. M. Boissier l’a déterminée comme H. distichon, varietas.
  5. C.-A. Meyer, Verzeichniss, p. 26, d’après des échantillons vus aussi par Ledebour, Fl. ross., 4, p. 327.
  6. Ledebour, l. c.
  7. Regel, Descr. plant. nov., 1881, fasc. 8, p. 37.
  8. Willdenow, Sp. plant., 1, p. 473.
  9. Theophrastes, Hist. plant., l. 8, c. 4.
  10. Heer, Pflanzen der Pfahlbauten, p. 13 ; Messicommer, Flora bot. Zeitung, 1869, p. 320.