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MAÏS

couverte de l’Amérique. Les Portugais sont venus à Java en 1496[1], c’est-à-dire quatre années après la découverte de l’Amérique, et en Chine dès l’année 1516[2]. Le voyage de Magellan de l’Amérique australe aux îles Philippines a eu lieu en 1520. Pendant les 58 ou 77 années entre 1516 et les dates attribuées aux éditions de l’ouvrage chinois, des graines de Maïs ont pu être portées en Chine par des voyageurs venant d’Amérique ou d’Europe. Le Dr Bretschneider m’écrivait récemment que les Chinois n’ont point eu connaissance du nouveau monde avant les Européens, et que les terres situées à l’orient de leur pays, dont il est quelquefois question dans leurs anciens ouvrages, étaient le Japon. Il avait déjà cité l’opinion d’un savant chinois que l’introduction du Maïs près de Peking date des derniers temps de la dynastie Ming, laquelle a fini en 1644. Voilà une date qui s’accorde avec les autres probabilités.

L’introduction au Japon est probablement plus tardive, puisque Kæmpfer n’a pas mentionné l’espèce[3].

D’après cet ensemble de faits, le Maïs n’était pas de l’ancien monde. Il s’y est répandu rapidement après la découverte de l’Amérique, et cette rapidité même achève de prouver que, s’il avait existé quelque part, en Asie ou en Afrique, il y aurait joué depuis des milliers d’années un rôle très important.

Nous allons voir en Amérique des faits qui contrastent avec ceux-ci.

Au moment de la découverte de ce nouveau continent, le Maïs était une des bases de son agriculture, depuis la région de la Plata jusqu’aux États-Unis. Il avait des noms dans toutes les langues[4]. Les indigènes le semaient autour de leurs demeures temporaires, quand ils ne formaient pas une population agglomérée. Les sépultures appelées mounds des indigènes de l’Amérique du Nord antérieurs à ceux de notre temps, les tombeaux des Incas, les catacombes du Pérou renferment des épis ou des grains de Maïs, de même que les monuments de l’ancienne Égypte des grains d’Orge, de blé ou de Millet. Au Mexique, une déesse qui portait un nom dérivé de celui du Maïs (Cinteutl, de Cintli), était comme la Cérès des Grecs, car elle recevait les prémices de la récolte du Maïs, comme la déesse grecque de nos céréales. A Cusco, les vierges du soleil préparaient du pain de Maïs pour les sacrifices. Rien ne montre mieux l’antiquité et la généralité de la culture d’une plante que cette fusion intime avec les usages religieux d’anciens habitants. Il ne faut cependant pas attribuer à ces indications en Amérique la même importance que dans notre ancien monde. La civilisation des Péruviens, sous les

  1. Rumphius, Amboyn., vol. 5, p. 525.
  2. Malte-Brun, Géographie, 1, p. 493.
  3. Une plante gravée sur une ancienne arme que Siebold avait prise pour le Maïs est un Sorgho, d’après Rein, cité par Wittmack, Ueb. antiken Maïs.
  4. Voir Martius, Beiträge zur Ethnographie Amerika’s, p. 127.