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MAÏS

avant que l’homme se fût mis à le cultiver, on ne peut faire que des conjectures. Je les énoncerai, selon ma manière de voir, parce qu’elles conduisent pourtant à certaines indications probables.

Je remarque d’abord que le Maïs est une plante singulièrement dépourvue de moyens de dispersion et de protection. Les graines se détachent difficilement de l’épi, qui est lui-même enveloppé. Elles n’ont aucune aigrette ou aile dont le vent puisse s’emparer. Enfin, quand l’homme ne recueille pas l’épi, elles tombent enchâssées dans leur gangue, appelée rafle, et alors les rongeurs et autres animaux doivent les détruire en qualité, d’autant mieux qu’elles ne sont pas assez dures pour traverser intactes les voies digestives. Probablement, une espèce aussi mal conformée devenait de plus en plus rare, dans quelque région limitée, et allait s’éteindre, lorsqu’une tribu errante de sauvages, s’étant aperçue de ses qualités nutritives, l’a sauvée de sa perte en la cultivant. Je crois d’autant plus à une habitation naturelle restreinte que l’espèce est unique, c’est-à-dire qu’elle constitue ce qu’on appelle un genre monotype. Évidemment les genres de peu d’espèces et surtout les monotypes ont, en moyenne, une habitation plus étroite que les autres. La paléontologie apprendra peut-être un jour s’il a existé en Amérique plusieurs Zea ou Graminées analogues, dont notre Maïs serait le dernier. Au temps actuel le genre Zea, non seulement est monotype, mais encore est assez isolé dans sa famille. On peut mettre à côté de lui un seul genre, Euchlæna, de Schrader, dont une espèce est au Mexique et l’autre à Guatemala, mais c’est un genre bien particulier et sans transitions avec le Zea.

M. Wittmack a fait des recherches curieuses pour deviner quelle variété du Maïs représente, avec une certaine probabilité, la forme d’une époque antérieure aux cultures. Dans ce but, il a comparé des épis et des grains extraits des Mounds de l’Amérique du Nord, et des tombeaux du Pérou. Si ces monuments avaient montré une seule forme de Maïs, le résultat aurait été significatif ; mais il s’est trouvé plusieurs variétés différentes, soit dans les Mounds, soit au Pérou. Il ne faut pas s’en étonner. Ces monuments ne sont pas très anciens. Le cimetière d’Ancon, au Pérou, dont M. Wittmack a obtenu les meilleurs échantillons, est à peu près contemporain de la découverte de l’Amérique[1]. Or, à cette époque, le nombre des variétés était déjà considérable, selon tous les auteurs, ce qui prouve une culture beaucoup plus ancienne.

Des expériences dans lesquelles on sèmerait, plusieurs années

  1. Rochebrune, Recherches ethnographiques sur les sépultures péruviennes d’Ancon, d’après un extrait par Wittmack, dans Uhlworm, Bot. Central-blatt, 1880, p. 1633, où l’on voit que le cimetière a servi avant et depuis la découverte de l’Amérique.