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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES

mates, comme dans le setigerum, et non de 10 à 12, comme dans le Pavot cultivé. Cette dernière forme, inconnue dans la nature, paraît donc s’être manifestée plus tard, dans les temps historiques.

On cultive encore le P. setigerum dans le nord de la France, conjointement avec le somniferum, pour l’huile d’œillette[1].

Les anciens Grecs connaissaient très bien le Pavot cultivé. Homère, Théophraste et Dioscoride en ont parlé. Ils n’ignoraient pas les propriétés somnifères du suc, et Dioscoride[2] mentionne déjà la variété à graines blanches. Les Romains cultivaient le Pavot avant l’époque républicaine, comme le prouve l’anecdote sur Tarquin. Ils en mêlaient les graines avec la farine dans la panification.

Les Égyptiens, du temps de Pline[3], se servaient du suc de pavot comme médicament, mais nous n’avons aucune preuve que cette plante ait été cultivée en Égypte plus anciennement[4]. Dans le moyen âge[5] et aujourd’hui, c’est une des principales cultures de ce pays, en particulier pour l’opium. Les livres hébreux ne mentionnent pas l’espèce. D’un autre côté, il existe un ou deux noms sanscrits. Piddington indique Chosa et Adolphe Pictet Khaskhasa, qui se retrouve, dit-il, dans le persan Chashchâsh, l’arménien Chashchash et l’arabe[6]. Un autre nom persan est Kouknar[7]. Ces noms et d’autres que je pourrais citer, très différents du Maikôn (Μηχων) des Grecs, sont un indice de l’ancienneté d’une culture répandue en Europe et dans l’Asie occidentale. Si l’espèce a été cultivée, dans un temps préhistorique, d’abord en Grèce, comme cela paraît probable, elle a pu se répandre vers l’est avant l’invasion des Aryens dans l’Inde ; mais il est singulier qu’on n’ait pas de preuve de son extension en Palestine et en Égypte avant l’époque romaine. Il est possible encore qu’en Europe on ait cultivé premièrement la forme sauvage appelée Papaver setigerum, usitée par les lacustres de Suisse, et que la forme des cultures actuelles soit venue de l’Asie Mineure, où l’espèce était cultivée il y a au moins trois mille ans. Ce qui peut le faire supposer, c’est l’existence du nom grec Maikôn, en dorien Makon, dans plusieurs langues slaves et des peuples au midi du Caucase, sous la forme de Mack[8].

La culture du Pavot a augmenté, de nos jours, dans l’Inde, à cause de l’exportation de l’opium en Chine, mais les Chinois

  1. De Lauessan, dans la traduction de Flückiger et Hanbury, Histoire des drogues d’origine végétale, 1, p. 129.
  2. Dioscorides, Hist. plant., l. 4, c. 65.
  3. Pline, Hist. plant., l. 20, c. 18.
  4. Unger, Die Pflanze als Erregungs und Betaübungsmittel, p. 47 ; Die Pflanzen des alten Ægyptens, p. 50.
  5. Ebn Baithar, trad. allem., 1, p. 64.
  6. Ad. Pictet, Origines indo-européennes, éd. 3, vol. 1, p. 366.
  7. Ainslies, Mat. med. indica, 1, p. 326.
  8. Nemnich, Polygl. Lexicon, p. 848.