Page:Amable Floquet - Anecdotes normandes, deuxieme edition, Cagniard, 1883.djvu/186

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carrefour que je nommerais bien. Qui endêvait tout son saoûl et maugréait dans ses dents ? C’était le curé de Saint-Pierre ; jusqu’à ce qu’un beau jour, au moment où s’opérait la jonction des deux paroisses, j’ai presque dit des deux armées, comme on en était aux litanies, le curé de Saint-Pierre chanta vite : Sancte Romane ; puis, s’approchant du desservant de Saint-Paul : « Vous viendrez donc toujours ainsi troubler ma procession ? » lui dit-il, paroles qu’il accompagna d’un geste qui, vu son énergie, avait peu besoin d’interprétation. Je vous vois tous en peine de ce qui va se passer entre ces deux bons prêtres, qui ne s’aiment point ; mais rassurez-vous, âmes pieuses : le desservant de Saint-Paul, sans s’émouvoir, riposta par un ora pro nobis, chanté de toute la force d’une des plus redoutables basse-tailles que vous ayez entendues jamais ; des deux côtés de la rue, les vitres en retentirent ; un instant, le curé de Saint-Pierre fut en grande angoisse, se croyant devenu sourd et sans remède ; mais ce ne fut qu’un éclair ; bientôt, revenu de sa frayeur, il reprit la litanie où il l’avait laissée, et la chanta désormais sans gloses et autres paraphrases qui auraient pu altérer la pureté du texte.

Hélas ! notre bonne ville de Rouen eut aussi jadis ses guerres de paroisses ! Aurait-on jamais fini, par