Page:Amable Floquet - Anecdotes normandes, deuxieme edition, Cagniard, 1883.djvu/193

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soudain un coup de vent, de guet-à-pens, avec préméditation, et sans aucune sommation préalable, s’attaque avec furie à la bannière de Saint-Godard, l’enlève violemment, et va la jeter dans le ruisseau, où elle fut souillée de manière à n’oser plus se montrer jamais. Cependant, le vexillaire était resté debout, ferme comme un roc, et n’en était que plus plaisant à voir, sérieux, résolu, l’air intrépide et héroïque, tenant fermement le bâton nu de sa bannière, fier, ma foi ! comme un capitaine qui aurait sauvé son drapeau.

La solennité de l’action put-elle empêcher que l’on entendît, dans le camp ennemi, je ne sais quels petits bruits confus, extrêmement semblables à des rires étouffés ? Je ne l’oserais dire, les mémoires d’après lesquels j’écris me donneraient un démenti. Même le soir, au presbytère de Saint-Godard, trois marguilliers se plaignirent fort du curé de Saint-Nicaise et jurèrent leurs grands dieux qu’ils l’avaient vu rire. Mais il avait fallu prendre patience, et rentrer à Saint-Godard, sinon sans croix, du moins sans bannière, et la tête plus basse, de moitié, que l’on n’en était sorti. À Saint-Nicaise, au contraire, après vêpres et salut, il y eut grande liesse par les rues ; et, comme il n’est joie telle que de pauvres gens, il y fut ri à gogo, il y fut ri à fer émoulu ; il y fut sauté, ballé et dansé