Page:Amable Floquet - Anecdotes normandes, deuxieme edition, Cagniard, 1883.djvu/200

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métiers, il ne fut question que de la boise si traîtreusement enlevée. De quelle autre chose ces pauvres diables auraient-ils pu parler ? On ne tarissait point sur les éloges de la défunte, sur son antiquité immémoriale, reconnue désormais, sans contredit, contemporaine du déluge ; sur ses miracles, car elle avait fait des miracles : surtout, son horreur pour la dissimulation était telle, que si quelqu’un, assis sur elle, venait à hasarder un mensonge, n’y pouvant plus tenir, elle s’entr’ouvrait aussitôt, pour ne se refermer qu’après le départ du menteur, ou lorsque la vérité était vengée.

N’en va-t-il pas ainsi des hommes de tous les temps ? Naguère, après la ruine d’Ilion, les Troyens éperdus, pleurant leur merveilleuse statue de Pallas, ne juraient-ils pas l’avoir vue cent fois, aux beaux jours de Troie, rouler les yeux et brandir sa lance ?

Cependant, au milieu de tous ces récits enthousiastes, les têtes s’étaient échauffées ; il se formait mille projets de vengeance ; même les plus pressés voulaient, sur l’heure, se mettre à l’œuvre. Le soir donc, vers huit heures, au moment où la garde allait être relevée, avertis que les Nicaisiens étaient postés à tous les coins pour leur souhaiter la bienvenue, les braves de Saint-Godard prirent le parti de revenir sans bruit par la rue Saint-Vivien. Mais, au premier vent qu’en