Page:Amable Floquet - Anecdotes normandes, deuxieme edition, Cagniard, 1883.djvu/281

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à une si solennelle audience, qui nous écoute avide et silencieux, et dont la conscience, croyez-le, réprouve énergiquement une iniquité si criante, ce que firent ses pères en des temps d’ignorance et de barbarie, croyez-vous, dites, qu’il hésiterait à l’anéantir aujourd’hui ? — Mais qui pourrait lui en disputer le droit ; et les lois des hommes, ainsi que leurs conventions, ne prennent-elles pas fin par les mêmes moyens qui leur ont donné l’être ? Vous tous, leur dirais-je, bourgeois, peuple, qui naguère vîtes tomber au Vieux-Marché la tête de Guillaume Laurent le meurtrier, écoutez : cet homme possédait de grands biens, qui, lui mort, allèrent au fisc ; trois petits enfants lui survivaient toutefois ; leur aïeul les recueillit, leur voulant servir de père, puis mourut bientôt, les laissant orphelins une seconde fois ; et, le cadavre gisant là encore, survint la fille du vieillard, la sœur du décapité, la tante des trois innocents, dont, alors, le dernier n’avait pas trois ans ; elle survint, les yeux secs, le cœur sans douleur et sans merci. Dès longtemps elle avait été richement dotée par ce vieux père ; n’importe, maintenant il lui fallait tout, à l’exclusion de ses trois neveux. À elle d’hériter, à eux d’aller nus, errants par le monde ; elle le disait ; elle le dit encore aujourd’hui ; et tenez, voyez-la, honteuse et pâle à cette audience, elle et le digne époux qui l’a si bien conseillée. Puis,