Page:Amable Floquet - Anecdotes normandes, deuxieme edition, Cagniard, 1883.djvu/346

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comment m’y trouvant l’hiver dernier, un jour de fête, un incident y survint qu’assurément je n’oublierai jamais. Visitant l’abside et le sanctuaire de la basilique future, comme l’on chantait les psaumes de David dans l’ancienne église ; ainsi placé entre le vieux temple qui va cesser d’être et le nouveau qui n’est pas encore, j’éprouvais une sensation solennelle, profonde, indéfinissable, qu’en vain l’on tenterait de peindre, mais qu’avait aperçue un vieillard, qui vivement ému lui-même à l’aspect de ces lieux, se prit, de discours en discours, à me raconter des choses que j’écoutais avidement. Cette mort si lamentable de Mme de Brothonne, la découverte tardive et inespérée de l’assassin, l’innocence des quatre serviteurs si inopinément manifestée, le vieillard s’était trouvé conduit à me redire toutes ces choses, mais avec une vivacité, une chaleur, avec des détails circonstanciés et intimes, qui me semblaient lui supposer quelque intérêt secret dans cette tragique histoire ; et comme je n’avais pu me défendre de le lui dire, ému, alors, plus encore qu’auparavant : « Rappelez-vous (me dit-il) ces quatre malheureux, que nous voyions tout-à-l’heure arrachés à l’échafaud par miracle ; car c’était bien par miracle ! Tous quatre ainsi sauvés, au retour d’un si triste mais si heureux pèlerinage, avaient fait un vœu de venir ici tous les ans, et leurs enfants après