Page:Amable Floquet - Anecdotes normandes, deuxieme edition, Cagniard, 1883.djvu/351

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par le seigneur de Saint-Manvieu, pour la meilleure ode qui, chaque année, serait envoyée au concours. Prenant donc, sur le bureau du Puy, une bourse brodée richement, qui contenait ces brillants jetons si désirés, le Recteur appela à haute voix Gervais Delarue, lequel n’eut garde de se faire attendre, on peut le croire, et alors commencèrent et retentirent longtemps de vifs applaudissements et de bruyants battements de mains.

Grande, toutefois, à vrai dire, était la surprise de tous les assistants, public et juges ; non pas que Gervais Delarue ne fût, sans nul doute, un sujet hors de ligne ; et même l’Université de Caen n’avait vu de longtemps se lever de ses bancs un plus brillant élève. Mais, que ce jeune homme dût un jour faire des vers, des vers français, une ode enfin, nul ne s’en fût jamais avisé jusqu’à ce moment, et le public, les juges mêmes du concours, ébahis à l’envi, devaient, je vous jure, n’en pas revenir de sitôt. « Quoi, se disait-on, des vers, une ode, lui occupé sans cesse à étudier nos églises, à contempler le tombeau de Guillaume-le-Conquérant, celui de la reine Mathilde, l’antique chapelle de Saint-Georges-du-Château, les bas-reliefs et les devises du Manoir des Gens-d’armes, les briques armoriées de l’ancienne grande salle des échiquiers ! Et c’était à qui s’extasierait davantage. Pauvres gens, de comprendre