Page:Amable Floquet - Anecdotes normandes, deuxieme edition, Cagniard, 1883.djvu/384

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mesme temps il part d’Angleterre, suivi d’un sien serviteur François, avec tous ses papiers et obligations, et descend en la ville de Roüen, où, après avoir fait quelque séjour, il prend la route de Paris : mais comme il est sur la montagne près d’Argentueil, il est tué par son valet, favorisé de la pluye et du mauuais temps qui lors estoit, et lors jette le corps dans les vignes. Comme cela se faisoit, passe par là un aueugle, conduit de son chien, lequel ayant entendu une voix qui se dueilloit, il demanda que c’estoit : à quoi le meurdrier respond que c’estoit un malade qui alloit à ses affaires. L’aveugle passe outre, et le valet chargé des deniers et papiers de son maistre se fit payer dans Paris comme porteur des obligations en scédules. On attendit dans Luques un an entier ce marchand, et voyant qu’il ne venoit pas, on dépesche homme exprès pour en avoir des nouvelles, lequel entendit dedans Londres le temps de son parlement, et qu’il avoit fait voile à Rouen : Où pareillement luy fut dit en l’une des hostelleries, qu’il y avoit environ six mois qu’un marchand Luquois y avoit logé, et estoit allé à Paris. Depuis quelque perquisition qu’il fist, il se trouva en défaut, et ne peut auoir vent ni voye de ce qu’il cherchoit. Il en fait sa plainte à la Cour de Parlement de Roüen, laquelle commande d’embrasser cette affaire, commandant au Lieutenant criminel d’en faire diligente recherche par la ville, et à Monsieur Bigot au dehors. La première chose que fit le Lieutenant fut de commander à l’un de ses sergents de s’informer par toute la ville s’il y avoit point quelque homme, qui depuis sept ou huit mois en çà eust levé une nouvelle boutique. Le mouchard ne faut au commandement, et rapporte au juge qu’il en avoit trouvé un, duquel ayant sceu le nom, le Lieutenant fait supposer une obligation, par laquelle ce nouveau marchand s’obligeoit corps et biens de payer la somme de deux cens escus dans certain temps, et en vertu d’icelle, commandement luy estant fait de payer, il respond que l’obligation deuoit être fausse, et qu’il ne sçavoit que c’estoit. Le Sergent prenant cette response pour refus, le constituë prisonnier : et comme ils alloient de compagnie, il advint au marchand de luy dire qu’il se sçauroit bien defendre contre cette procédure : Mais n’y a-il point autre chose ? adjousta-il. Le Sergent dresse son exploict, et rapporte au Lieutenant criminel comme le tout s’estoit passé, lequel s’attachant à ces paroles, s’il n’y avoit point autre chose, dès lors