Page:Amable Floquet - Histoire du privilege de saint Romain vol 1, Le Grand, 1833.djvu/451

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

condamnés, par-dessus les arrestz et contre la rigueur des lois, en faisait une prérogative essentielle et inséparable de la souveraineté, un attribut qui ne se pouvoit communiquer au suject, sans diminution de la majesté royale, ni estre quitté sans la couronne. Il qualifiait d’abus et d’entreprises ces priviléges que s’étaient arrogés des fonctionnaires ou des communautés, de donner grâce en certains cas. « En l’estat d’une république bien ordonnée, disait-il, ceste puissance ne doit estre baillée ni par commission, ni en tiltre d’office. » Traitant ainsi cette question à fond, il n’avait garde d’oublier le privilége de saint Romain. « Le pis qu’il y a en ce privilége, ajoutait-il, c’est qu’on ne donne grâce que des crimes les plus exécrables qu’on peut trouver et desquels le roy n’a point accoustumé d’octroyer grâce. » C’était alors que le grave et judicieux De Thou se plaignait énergiquement de ce que « dans ces derniers temps on ayoit fait servir le privilége de la fierte à une impunité détestable et sans bornes pour tous les malfaiteurs du royaume, pour tous les crimes les plus abominables[1]. »

C’est ce dont gémissait aussi De Bras de Bourgueville, magistrat normand, qui voyait de plus près encore ces crians abus, et craignait qu’ils ne portassent enfin malheur à un privilége qu’il aimait

  1. De Thou, Histoire universelle, livre 76.