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UNE SÉANCE À L’INSTITUT.

avec bienveillance, mais crut peut-être de son devoir de me rappeler, et cela un peu tristement, que je n’avais dans la suite rien à attendre de lui ; qu’il fallait donc que je me sentisse le courage de me tirer d’affaire avec mon pinceau ; que la médiocrité, enfin, était bien à redouter dans cette carrière. Mais ce n’étaient là que les craintes bien naturelles d’un père, et je crus même m’apercevoir que ma résolution ne lui déplaisait pas, car il s’informa à l’instant même de mes projets et du professeur que j’avais choisi. Je nommai M. Gros. Mon père avait conservé d’excellentes relations avec lui, et, comme il devait le voir le lendemain à la séance de l’Institut, il fut convenu qu’il lui ferait part de mon désir d’être admis dans son atelier.

Le grand mot était lâché — j’allais être peintre ! On ne saurait s’imaginer tout ce que cette pensée pouvait faire naître d’émotions diverses et confuses dans la tête d’un jeune homme sortant du collége, à l’époque surtout dont je parle : le nombre des peintres était alors plus restreint, le frottement avec les artistes bien plus rare ; aussi conservaient–ils encore, au moins à mes yeux, un prestige qui les mettait presque entièrement à part du reste des hommes ; leur atelier était bien le sanctuaire des arts, comme on disait en ce temps, et ce mot n’avait pas pour moi de côté