Page:Amaury-Duval - L’Atelier d’Ingres.djvu/127

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
120
L’ATELIER D’INGRES.

de quinze louis pour faire son portrait. Je l’aurais fait pour rien, je crois même que j’aurais payé, si j’avais pu, pour le faire ; aussi fus-je ébloui.

Cette personne était plus élégante que jolie ; mais sa tête blonde, un peu effacée, que j’entourai de tons clairs, convenait tout à fait à mes goûts pour la peinture des maîtres primitifs.

Enfin, un jour, le portrait achevé, je pris ma toile sous mon bras, et, non sans une bien grande émotion, je la portai chez M. Ingres.

J’arrive à une époque de ma carrière où mes rapports avec M. Ingres, sans rien perdre, de ma part, de la soumission et du respect qui lui étaient dus, vont devenir, de son côté, un peu plus tendus, et quelquefois sévères. Tous ceux qui me connaissent peuvent me rendre cette justice que mon admiration, ma reconnaissance, je dirais mon culte pour M. Ingres, ne se sont jamais démentis un seul instant. J’ai toujours excusé et compris même tout ce qui, de sa part, aurait pu paraître un peu excessif et tant soit peu injuste. Mais il a toujours été, pour moi, tellement au-dessus de nous tous… et des autres, que je ne me suis jamais trouvé le droit de me plaindre.

Comme il peut être intéressant de connaître sous toutes ses faces un homme de cette supériorité, je me décide donc à ne pas cacher quel-