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L’ATELIER D’INGRES.

« J’ai pu examiner de près, par terre, le plafond d’Homère ; je n’ai jamais vu exécution pareille ; c’est fait comme les maîtres, avec rien ; et de loin tout y est. »

Cela me remet en mémoire le mot qu’on attribua à M. Ingres, et qui doit être vrai, car Delacroix m’avait dit, en me racontant cette visite à la salle d’Ingres, avoir été surpris par le maître et en avoir reçu un salut assez froid. À peine Delacroix fut-il sorti, que M. Ingres, appelant un garçon : « Ouvrez toutes les fenêtres, lui criait-il ; ça sent le soufre ici. »

Ce mot peint M. Ingres et tout le sérieux, toute la passion qu’il mettait lorsque l’art était en question ; mais à ceux qu’il ne fera pas sourire, il pourra paraître plus que sévère. Il n’est pourtant que l’expression d’un goût épuré par l’étude du beau, et ce n’est pas le beau, il faut le dire, qui domine dans l’œuvre de Delacroix, je parle de la forme, bien entendu ; de là seulement venait cette haine que M. Ingres ne dissimulait pas.

Ceux, du reste, qui cherchent dans les œuvres d’art autre chose qu’un échantillonnement de tons heureux, ceux qu’un tapis turc charme, mais n’impressionne pas, ont vraiment quelque droit à ne pas placer à une hauteur aussi grande que le font certains critiques le talent incontestable de Delacroix.