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L’ATELIER D’INGRES.

« Je ne pouvais pas, me disait-il,… je ne trouvais rien… Certes, mon modèle était bien beau, j’en étais enthousiasmé. Mais ce que je faisais était mauvais. »

Madame Ingres l’interrompit, en s’adressant à moi :

« Il faut toujours qu’il recommence ; moi, je trouvais ça très-beau.

— Ne l’écoutez pas, mon cher ami ; c’était mauvais, et je ne pouvais pas l’achever ainsi. J’avais eu le bonheur de tomber sur le meilleur et le plus intelligent des hommes. M. Bertin venait de Bièvres exprès pour poser ; il m’avait donné déjà un grand nombre de séances, et je me voyais dans la nécessité de lui dire que tout cela était peine perdue ! J’étais désolé… mais j’eus ce courage… Savez-vous ce qu’il me répondit ? — « Mon cher Ingres, ne vous occupez pas de moi ; surtout ne vous tourmentez pas ainsi. Vous voulez recommencer mon portrait ? à votre aise. Vous ne me fatiguerez jamais, et, tant que vous voudrez de moi, je serai à vos ordres. » Cela me remit la joie au cœur, ajouta M. Ingres ; je le priai de prendre ainsi que moi un peu de repos, et plus tard j’ai trouvé… et j’ai fait le portrait que vous avez vu. »

J’appris, à une autre époque où la famille Bertin voulut bien m’accueillir avec tant de bonté,