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L’ATELIER D’INGRES.

Enfin, tout au fond du salon, étendue à moitié sur un canapé, j’aperçus mademoiselle Vernet, ou plutôt ce fut pour moi comme une espèce d’apparition, car on ne pouvait imaginer rien de plus gracieux, de plus beau, de plus élégant que cette jeune fille qui, par sa taille fine et souple et ses traits d’une pureté complète, réunissait la beauté des statues antiques et le charme des vierges du moyen âge.

Auprès d’elle était assis Delaroche. Je ne pouvais tarder à aller la saluer, et, au risque de troubler un tête-à-tête, je m’approchai d’elle et m’inclinai profondément. Elle se souleva un peu, fit un mouvement de tête, et reprit sa conversation. Plus tard, lorsqu’elle fut devenue madame Delaroche et qu’elle me fit l’honneur de me recevoir chez elle comme un ami, je m’amusai à lui rappeler sa réception, dont elle s’excusa gracieusement, en m’expliquant l’ennui qu’elle avait à subir de ces constantes présentations d’individus qui ne faisaient que passer, et qu’elle ne revoyait jamais.

J’aurais eu, certainement, bien tort de m’arrêter à cette première impression, car il m’a été donné d’apprécier depuis, chez cette femme remarquable, les sentiments les plus élevés, et en même temps une intelligence très-vive, toute dirigée vers les choses belles et nobles. On sait