Page:Amaury-Duval - L’Atelier d’Ingres.djvu/240

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
233
RETOUR À PARIS.

était sûr de n’entendre là que la musique selon son cœur, et cette pensée devait l’y attirer souvent.

Pendant une soirée que je passai avec lui dans cette maison si gracieusement ouverte aux artistes, j’eus l’occasion de voir jusqu’où pouvait l’entraîner sa passion pour la musique. Trouvant sur le piano une partition de Mozart, il la saisit, et s’adressant à mademoiselle Louise Bertin : « Ah ! vous l’aimez aussi, n’est-ce pas ? lui dit-il, ce second Raphaël… Moi, je l’adore ! » Et il couvrit de baisers le volume qu’il tenait à la main.

Cet amour pour la musique et un certain talent qu’il avait sur le violon ont donné lieu à des récits fort exagérés. On a répété, et la légende a fini par s’accréditer, qu’il se croyait sur cet instrument une supériorité assez grande pour mépriser son talent de peintre. Il n’en était rien, et je crois inutile de dire que M. Ingres se trouvait beaucoup plus fort comme peintre que comme violoniste. Je l’ai entendu un jour répondre avec une modestie très-sincère aux compliments qui lui étaient adressés. — « Je n’ai, disait-il, ni l’habileté ni la dextérité des vrais artistes ; mais j’appuie sur la bonne note. »

Peut-être, dans sa jeunesse, avait-il eu, et cela est probable, une facilité que l’âge lui fit perdre,