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L’ATELIER D’INGRES

car je sus par lui qu’il avait joué la partie de second violon dans les quatuors de Beethoven organisés par Paganini, pendant son séjour à Rome.

Au premier concert que donna à Paris ce célèbre virtuose, la loge que M. Ingres occupait ce jour-là à l’opéra était à côté de celle où je me trouvais, et je pus, avant le concert, causer avec mon maître par-dessus la séparation. Il me vanta le talent de l’homme que nous allions entendre, me dit la façon merveilleuse dont il comprenait les grands maîtres et savait en rendre le génie ; c’est alors qu’il ajouta avoir joué en sa compagnie à Rome, et avoir pu l’apprécier complétement. Cette soirée très-intéressante n’est pas sortie de ma mémoire, et je me souviens aussi des impressions que ressentit M. Ingres.

La toile se leva sur un immense salon absolument vide : pas un meuble, rien qui en dissimulât la nudité ; et lorsque, par la porte du fond, on vit entrer et s’avancer gravement jusqu’à la rampe un homme long, maigre, vêtu de noir, aux traits singuliers, presque diaboliques, la salle entière éprouva un moment de vif étonnement, presque de frisson.

Aux premières notes graves et profondes qu’il tira de son instrument, on comprit bien vite à