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L’ATELIER D’INGRES.

qu’on doit avoir de l’art… Eh bien ! nous qui n’avons pas d’autre métier, qui ne savons pas écrire, qui ne pouvons pas leur répondre… qu’avons-nous à faire ?… » Alors, tirant son mouchoir de sa poche, et s’en frottant les deux joues : « Voilà, mon cher ami, voilà tout ce que nous pouvons faire… nous essuyer… »

Il acheva en me disant : « Excusez-moi bien auprès de votre père, qui du reste était de mon avis, car il les connaît, ces grands hommes. Je n’ai pas pu retenir hier un mouvement de vivacité, un peu excessif peut-être ; mais j’avais à défendre la bonne cause, j’étais dans mon droit. »

J’attendis quelques instants qu’il fût calmé ; je le questionnai avec beaucoup de réserve sur le portrait qu’il était en train d’achever (le portrait du comte de Pastoret), je le félicitai d’avoir eu à peindre un costume dont les broderies ne faisaient aucun tort à la tête, l’habit de conseiller d’État étant alors brodé de soie noire sur noir : « Si c’eût été des palmes vertes ou bleues, comme à certains costumes officiels… » Il m’arrêta : « Je ne l’aurais pas fait… »

C’est ainsi qu’au moment de faire le portrait du duc d’Orléans, il insista pour que son costume de général fût sans broderie aucune, et fit bien rire le prince en lui demandant si même on ne pourrait pas remplacer les boutons de métal par