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L’ATELIER D’INGRES.

Un beau jour, après m’être longtemps creusé la tête, peut-être par hasard, ou parce qu’un objet plus blanc que mon modèle s’était trouvé placé derrière, je mis sur mon dessin les premières demi-teintes, et je fus bien heureux quand M. Ingres, à la vue de mon travail, me dit : « C’est cela ; — vous voilà parti, c’est très-bien. »

Je racontai un jour ce fait devant un littérateur qui s’occupe spécialement des arts, et je le racontai probablement bien mal, car il en tira une conclusion absolument contraire. Je voulais prouver que les hommes d’un talent éminent n’étaient pas les plus aptes à donner les premiers conseils à des enfants, et qu’un professeur instruit, mais d’une intelligence ordinaire, suffit et vaut souvent mieux pour enseigner les premiers préceptes d’un art ou d’une science.

Il est bien difficile, en effet, que ces grands hommes puissent s’astreindre à mettre leur enseignement à la portée d’un commençant ; j’irai plus loin : l’influence que l’homme de génie entraîne avec lui, et qui s’impose de toute son autorité, est très-capable d’annihiler l’individualité de l’élève, et de le maintenir dans une étreinte qui ne laisse plus de jeu à sa personnalité. La preuve de ce que j’avance serait facile à faire : il suffirait de comparer les grands peintres, Ra-